Or, une année et demie plus tard et une crise économique globale après, le Conseil de l’Union européenne vient d’approuver, dans sa réunion du 25-26 mars 2010 [1] , les principaux éléments de la Stratégie Europe 2020 pour l’emploi et la croissance, qui vient se substituer à la Stratégie de Lisbonne approuvée en 2000 et qui sera formellement approuvée en juin prochain. La Stratégie 2020 établit une série d’objectifs concrets dans les domaines de l’emploi, la recherche et l’innovation, le changement climatique, l’éducation et la pauvreté (le manque d’accord sur les objectifs dans ces deux derniers domaines a imposé que l’accord à cet égard soit reporté).
Une première lecture de la Stratégie 2020, qui se propose comme feuille de route d’assurer la compétitivité à long terme des économies européennes ainsi que de préserver le modèle social européen, révèle une absence de référence aux voisins du sud de la Méditerranée, pourtant cités régulièrement comme une clé pour l’avenir et la compétitivité de l’Europe par les mêmes leaders qui l’ont approuvée. Comme dans le cadre de la réponse européenne à la crise économique en 2009, l’Europe suit son propre chemin et se replie sur elle-même, en excluant les pays méditerranéens de sa stratégie à moyen et long terme y compris sur des questions, comme l’emploi, où l’interdépendance avec la Méditerranée (par le biais des migrations) est évidente et où la Conférence euro-méditerranéenne des ministres de l’emploi et du travail de novembre 2008 a adopté un « cadre d’action » commun. En fait, la seule mention à la Méditerranée incluse dans les 40 pages de la Communication de la Commission [2] qui a servi de base à la décision du Conseil prône de « faire évoluer les réseaux européens, y compris les réseaux transeuropéens de l’énergie, vers un super-réseau européen. Pour ce faire, il convient de promouvoir des projets d’infrastructure d’importance stratégique majeure pour l’UE dans la Baltique, les Balkans et les régions méditerranéenne et eurasienne », ce qui semblerait donner du sens « européen » au projet d’Union pour la Méditerranée.
Est-ce que, à l’inverse, le prochain Sommet de l’Union pour la Méditerranée prévue pour le 7 juin à Barcelone prendra note de la Stratégie Europe 2020 pour l’intégrer dans son analyse des perspectives de la région dans le cadre du Plan de Travail de l’UpM 2010-2012 qu’il doit adopter ?
Suivez les fonds…
Par ailleurs, le 3 mars, un jour seulement avant la présentation publique du Secrétaire Général et du Secrétariat de l’UpM à Barcelone, la Commission européenne a approuvé 16 programmes indicatifs nationaux pour la période 2011-2013 pour les pays partenaires méditerranéens et les pays du Partenariat oriental (sauf Belarus, dont le programme est en préparation), avec les allocations budgétaire bilatérales consenties dans le cadre de l’instrument financier de la politique européenne de voisinage, à savoir l’IEVA (Instrument européen de voisinage et d’association) (voir tableau).
L’augmentation des allocations budgétaires par an par rapport à 2007-2010 en dit beaucoup sur la dynamique de la coopération financière de l’UE avec les pays de son voisinage : tandis que pour les pays méditerranéens, l’augmentation est de 12,8%, pour les pays du Partenariat oriental il est prévu une augmentation du 57,9%. Il est vrai qu’il y a un effet de rattrapage, dans la mesure où les pays du Partenariat oriental bénéficient de l’assistance financière européenne depuis seulement peu d’années, tandis qu’ils avaient bénéficié de moins d’allocations financières pendant la première période de la PEV, 2007-2010. Mais il est vrai aussi que, en termes d’assistance financière par habitant et par an, pour la première fois dans le cadre de la PEV, les pays du Partenariat oriental dépassent les pays partenaires méditerranéens qui ont une longue expérience de coopération avec l’UE (voir tableau), marquant un point d’inflexion qui reflète les tendances géopolitiques lourdes (un risque de marginalisation croissante des pays du sud de la méditerranée) et les vrais priorités de l’Europe. Et cela sous une Présidence espagnole de l’UE (premier semestre 2010) et une Coprésidence française de l’Union pour la Méditerranée (2008-2010).
Pour en savoir plus, il faudra suivre l’issue des négociations sur les nouvelles Perspectives Financières 2014-2020 dont les négociations devraient commencer au cours du deuxième semestre, sous présidence belge de l’UE, et se poursuivre en 201l et 2012 sous Présidences hongroise, polonaise, danoise ou chypriote. Et cela dans le nouveau contexte de la politique extérieure de l’UE marqué par l’arrivée d’un Président du Conseil européen (le belge Herman Van Rompuy), d’une Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (la britannique Catherine Ahston) et l’entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne 2010-2014 (avec un nouveau Commissaire chargé de l’élargissement et de la politique de voisinage, le tchèque Stefan Füle).
[2] Communication de la Commission COM/2010)2020 du 3 mars 2010, « Europe 2020. Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive » http://ec.europa.eu/growthandjobs/pdf/complet_fr.pdf
Iván Martin, membre du comité de rédaction de Confluences Méditerranée