Le conflit israélo-palestinien est séculaire. Il a commencé avec la déclaration Balfour de 1917 et le mandat britannique en 1922. À ce moment-là, le rapport démographique entre Arabes et juifs était de l’ordre de 90 %/10 %. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la communauté juive représentait un tiers du total en raison d’une forte immigration, qui s’était intensifiée à partir du début des années 30.
Les heurts violents entre les deux communautés, qui chacune aspirait à un toit politique, ont commencé très tôt et ont basculé dans des affrontements récurrents, tout particulièrement à partir de 1936.
À la suite de la guerre de juin 1967, la colonisation a commencé dès les premiers mois de l’occupation des territoires palestiniens. Avec l’arrivée du Likoud en 1977, elle s’est considérablement accélérée. Depuis, le rythme de création et de renforcement des colonies a été de plus en plus soutenu.
Résultat : quelques milliers de colons en 1970, près de 700 000 en 2020 pour une population palestinienne d’environ 5 millions d’habitants. Les colons représentent donc 14 % de la population palestinienne des territoires occupés. Et 23 % si on ne compte pas la population de Gaza, où les 8 000 colons qui s’y trouvaient ont été évacués en 2005.
En Cisjordanie, c’est donc un ratio comparable à la situation démographique qui prévalait dans la Palestine mandataire dans les années 30.
Si on élargit la réflexion à l’ensemble du territoire (Israël et les territoires palestiniens occupés), il y a parité démographique entre les deux populations : 7 millions de Palestiniens (dont deux millions de citoyens israéliens) et 7 millions de juifs.
Pour saisir pleinement la portée politique de ces données démographiques, il faut prendre en compte la force du sentiment d’appartenance nationale palestinienne en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza, mais aussi chez les citoyens palestiniens d’Israël.
Cela signifie qu’une fracture profonde est peut-être en train de se creuser en Israël, où la minorité palestinienne subit de multiples discriminations sur les plans politique, économique et social. Discriminations institutionnalisées par la loi sur l’État-nation du peuple juif de 2018, qui fait d’eux, constitutionnellement, des citoyens de seconde zone.
L’affrontement armé de mai 2021 a été un révélateur de cette situation, même s’il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions définitives. Certes, beaucoup de citoyens palestiniens et juifs en Israël aspirent à vivre côte à côte… mais si cette hypothèse se vérifiait, la nature de ce conflit en serait profondément affectée. Les gouvernements israéliens auraient alors à se battre sur deux fronts.
À l’intérieur, s’ils continuent d’ignorer l’effet dévastateur des discriminations que leur politique a produites depuis des années, cette fracture sociétale risque de s’aggraver, avec tout ce que cela implique pour la société israélienne dans son ensemble.