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Bachar Al-Assad, le retour en grâce ? La Syrie revient dans le jeu

“On considère aujourd’hui que Bachar Al-Assad contrôle environ 70% du territoire, puisque toute la zone nord-est est sous le contrôle des Kurdes, et la région d’idlib échappe également à son contrôle. Tous les opposants d’Assad ont été placés à Idlib pour qu’ils soient contrôlés, c’est une poche que le régime de Assad aimerait faire disparaître. C’est une zone régulièrement bombardée par les Russes et par le régime syrien pour tenter d’en venir à bout, mais pour l’instant c’est une zone qui résiste encore. Certains syriens tout de même aujourd’hui manifestent régulièrement, elles ne prennent pas forcément l’ampleur de celles de 2011 mais elles sont quand même des manifestations de mécontentement fortes.”

“Dans les discussions de Genève, il était déjà question d’une nouvelle constitution, d’élections sous l’égide de l’ONU et la question des disparus mais cette question de feuille de route n’a jamais été acceptée par Bachar Al-Assad, il ne veut pas négocier. On ne voit pas pourquoi il accepterait de remplir ces conditions alors qu’au moment où il était beaucoup plus en difficulté, il ne l’a pas fait. C’est un pays qui n’a jamais respecté le moindre engagement qu’il a pris, c’est un chef d’État qui ment éhontément et on l’a vu à chaque étape de ce conflit. On a une position très dure de la part des Américains qui ont voté un certain nombre de sanctions pour empêcher la normalisation. Les Européens ont eux aussi voté des sanctions contre des personnes, contre tous les responsables de ce régime. Il y a des tensions au sein des pays européens puisque tous ne sont pas sur la même ligne, certains se considérant comme pragmatiques aimeraient cette normalisation. Le captagon touche les pays du golfe mais également en Europe car on sait qu’il y a eu des prises importantes au Pays-Bas. Dans la question du terrorisme et des réfugiés, certains pays européens considèrent qu’il faut parler avec Bachar Al-Assad même si je pense que c’est un leurre de penser que l’on puisse négocier quoi que ce soit avec lui.”

“La Cour de cassation a publié son avis extrêmement important, parce que jusque là la France refusait à pouvoir appliquer la même démarche que celle adoptée en Allemagne, mais là la Cour de cassation a élargi le fameux champ de compétence universelle permettant de mettre en cause et de pouvoir organiser des procès mettant en cause des personnes dont on a eu des éléments de preuve selon lesquels ils ont été impliqués. Il y a quelques années, un photographe militaire syrien avait pris le cliché de toutes ces personnes torturées et tuées, et c’est à partir de cette base que les Allemands ont pu instruire les procès et que la France peut aussi s’appuyer sur ces éléments de preuve, ces photos, puisqu’un régime autoritaire ne cesse de documenter ces meurtres pour que toute la chaîne de commandement puisse bien montrer qu’elle a fait le travail comme il fallait le faire.”

“Il y a des centaines de milliers de disparus dont les familles ne peuvent pas récupérer les corps, donc ce procès contre Assad prouve que quelque chose est sur le point d’être entrepris, mais pour l’instant il faut rester prudent sur la capacité de la communauté internationale à pouvoir aller jusque là. Si Assad n’est pas contraint, il n’arrêtera jamais, et ce processus de normalisation ne peut que l’entraîner à poursuivre. Il faut revenir en 2013, où le régime syrien utilise des armes chimiques contre sa population : à l’époque, Barack Obama dit “si c’est avéré, on répliquera”, il y a eu réplique. »

 

Depuis, Bachar Al-Assad a un permis de tuer qu’il utilise sans limite puisqu’il sait que de toute façon les Américains et les Occidentaux de manière générale n’interviendront pas, ils ont délégué la gestion du conflit syrien aux Russes et aux Iraniens. Si Bachar Al-Assad peut voir cette normalisation, c’est grâce aux Russes et aux Iraniens.”

“Mohammed Ben Salman veut absolument s’imposer sur la scène politique régionale, et pour cela il montre que c’est lui le chef, et les personnes qui chercheraient à contester cela risqueraient gros puisqu’aujourd’hui l’arabie saoudite est devenue un système autoritaire et donc la contestation risque d’être assez limitée en raison des conséquences que cela pourrait engendrer sur les personnes concernées. Aujourd’hui, il y a un profond désespoir de la part de beaucoup de sociétés arabes après la parenthèse qui s’était ouverte en 2011 avec les mouvements de contestation, de s’apercevoir que c’est la contre-révolution qui a gagné, avec un retour de l’autoritarisme partout et des régimes qui n’étaient pas autoritaires qui le sont devenus comme l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis. Donc aujourd’hui il y a un sentiment de survie de la part de beaucoup de ces sociétés qui se considèrent complètement mises de côté. Donc je crois que c’est ça le sentiment qui prédomine pour l’instant. Le Qatar est toujours en opposition avec la politique incarnée par l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, et ça fait partie de sa stratégie de garder une distance par rapport à ce que souhaite faire les Saoudiens de montrer que le Qatar n’est pas suivi par rapport aux Saoudiens puisque les Saoudiens entendent jouer un rôle encore plus prédominant au sein de la ligue arabe. Le Qatar ne va pas forcément renouer des relations diplomatiques avec la Syrie. Les Occidentaux n’ont pas tenu les promesses qu’ils avaient faites auprès de l’opposition et ça a été un élément qui a renforcé Bachar Al-Assad et on n’a pas donné les moyens -alors qu’on l’avait promis- à cette opposition pour tenter de l’aider à s’organiser.” 

 

Agnès Levallois, vice-présidente de l’iReMMO, spécialiste de la Syrie.

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