Auteur : Nicolas Dot-Pouillard
Deux ans après le départ du président Ben Ali, la fissure entre l’idéal révolutionnaire et le désenchantement démocratique semble croissante. La révolution tunisienne a mis au jour trois césures fondamentales. La première est en un sens la fracture bourguibiste : tous les comptes ne sont pas soldés avec le passé. La seconde touche à la question religieuse et identitaire. L’arrivée d’Ennahda au pouvoir a réveillé des spectres enfouis. La dernière est enfin régionale et sociale. La différenciation entre les côtes et les provinces intérieures apparaît d’abord comme une structure sociale discriminante bien antérieure aux années Ben Ali. En Tunisie, une étrange dialectique est ainsi à l’œuvre. Il y a une politique et un social fissurés, car il y a bien remontée(s) de l’histoire, à l’heure même où la thématique révolutionnaire peut apparaître comme le symbole d’un nouvel absolu et d’une unité faussement promise. Si la révolution tunisienne a bien ouvert sur de nouveaux possibles, ses fractures présentes sont aussi ancrées dans les paradigmes passés.
Nicolas Dot-Pouillard est aujourd’hui Chercheur à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO), à Beyrouth. Docteur en sciences politiques diplômé de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), il a également enseigné à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK), au Liban, et a été Senior Analyst pour l’International Crisis Group (ICG) en Tunisie.