Avant d’aborder la situation syrienne, un détour s’impose par Israël où l’actualité politique connaît un tournant majeur. Le parti ultra-orthodoxe Shas a décidé de quitter le gouvernement de Benyamin Netanyahou, comme l’ont rapporté plusieurs médias israéliens. Cette défection fait suite à celle d’un autre parti religieux, le Judaïsme unifié de la Torah, sur fond de désaccords autour du service militaire. Ces deux partis représentent ensemble 17 à 18 députés, ce qui prive désormais Netanyahou de la majorité parlementaire. La question centrale concerne l’exemption du service militaire pour les étudiants en religion, exemption fortement contestée par une partie croissante de la population israélienne, alors que les tensions régionales exigent une mobilisation accrue des effectifs militaires. Malgré cette crise, la période de vacances parlementaires qui débute dans deux jours pourrait offrir au Premier ministre israélien un répit stratégique, qu’il pourrait mettre à profit pour tenter de rétablir le dialogue avec les partis démissionnaires.
Parallèlement, la Syrie reste le théâtre d’une instabilité persistante. La crédibilité du président par intérim, Ahmed al-Charaa, est fortement entamée. Les événements sanglants survenus à Soueida s’inscrivent dans une série de tensions antérieures, notamment dans la région alaouite au nord-ouest, sans oublier les incertitudes autour du statut des Kurdes, malgré un accord récent avec le pouvoir central. Le scepticisme reste vif quant à la capacité du président à contenir ces lignes de fracture. Son discours en faveur d’une Syrie unifiée entre en contradiction avec la méfiance affichée par plusieurs minorités qui dénoncent les exactions de factions radicales opérant pourtant sous sa bannière.
La Syrie reste le théâtre d’une instabilité persistante.
Agnès Levallois
La principale difficulté réside dans le manque d’autorité du président Ahmad Challah sur certaines composantes de son propre camp. Ancien membre d’Al-Qaïda, il suscite une inquiétude profonde parmi les Russes, les chrétiens et même les Alaouites. Bien qu’il affirme vouloir rassembler les Syriens et dépasser les divisions communautaires, la sincérité de ses intentions est mise en doute par de nombreuses minorités. Quelques gestes d’ouverture existent néanmoins, comme la mise en place d’une commission d’enquête après les violences contre les Alaouites. Mais la crédibilité de ces démarches reste incertaine, tant l’impression prévaut que les éléments les plus radicaux de sa coalition entendent imposer leur vision au détriment des équilibres intercommunautaires déjà précaires.
Enfin, le comportement d’Israël contribue à aggraver la situation. Les bombardements menés en Syrie s’inscrivent dans une stratégie de domination régionale explicite. Le message envoyé est clair : Israël entend affirmer sa suprématie au Moyen-Orient, agir librement et établir des zones de sécurité, notamment à sa frontière syrienne comme cela a été fait avec le Liban. Cette logique vise à empêcher toute forme de stabilisation du territoire syrien. La prétendue volonté israélienne de protéger les Druzes s’inscrit dans une stratégie de fragmentation du pays, en jouant les minorités contre le pouvoir central. Cette politique de division, résumée par la formule « diviser pour mieux régner », constitue un levier géopolitique que Tel-Aviv utilise pour affaiblir durablement l’État syrien et accentuer les fractures communautaires dans l’ensemble de la région.