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A Gaza, c’est la paix qu’on ensevelit !

Ce qui se produit à Gaza, ce n’est évidemment pas une guerre entre deux Etats en conflit. Il y a, d’un côté, les velléités d’une population prise en otage, qui veut sauver ce qui lui reste de fierté, de l’autre une force armée jusqu’aux dents, disposant de l’artillerie la plus moderne et la plus meurtrière précisément déterminée à briser cette fierté et à imposer une humiliation perpétuelle à une population exsangue. Il faut être né à Gaza, avoir été, chez soi, dépouillé de son indépendance, avoir vécu dans la peur de la guerre, de la destruction et de la mort pour savoir comment la vie-même peut perdre son prix au point qu’on préfère l’échanger contre un instant de fierté…

Le massacre de la population de Gaza par l’armée israélienne qui lance missiles, bombes au phosphore et boules de carbone à haute puissance explosive traversant le sol, démontrent le peu de cas qu’Israël fait des droits de l’homme, des conventions internationales des droits de l’enfant et conventions relatives aux populations civiles en zone de guerre. Ces crimes et leurs conséquences ne se limiteront pas à Israël et à la Palestine. Elles seront la source des violences et des extrémismes futurs. Le plus triste est de constater qu’en Occident, c’est-à-dire dans les démocraties les plus développées, aux Etats-Unis et en Europe, ni les gouvernants, ni les médias, ni nombre de penseurs et d’intellectuels n’acceptent de voir cette réalité. Cependant, alors qu’Israël enterre les prémices de l’espoir dans la terre endeuillée de Gaza, les extrémistes belliqueux prospèrent.

Le massacre de centaines d’enfants et de civils, la mort de dizaines de personnes réfugiées dans une école des Nations Unies, l’entrave faite au travail des équipes médicales, l’utilisation des bombes au phosphore et d’une nouvelle catégorie d’explosifs dans des zones densément peuplées sont autant de crimes de guerre. Si la moitié de ces crimes était commise par un autre gouvernement que celui d’Israël, les gouvernants européens et américains et les médias occidentaux n’auraient pas tant de mal à les condamner ni à les qualifier de crimes. Mais les dirigeants politiques et militaires israéliens n’ont aucune condamnation à redouter de la part des gouvernants occidentaux. Et c’est cela qui afflige des millions de musulmans et suscite une rancoeur générale envers l’Occident et pire encore la haine de la démocratie au coeur des populations des pays musulmans. Ce refus de nommer la réalité risque bien de provoquer des séismes destructeurs dans n’importe quel point du monde.

A Gaza, Israël ne tue pas seulement les enfants et les civils palestiniens, il enterre aussi l’espoir de paix dans une poussière mêlée de sang et pire encore, il met en péril la sécurité et la paix dans le monde. En montrant les gouvernements qui le soutiennent sous leur jour le plus laid, il discrédite aussi la démocratie au profit du radicalisme religieux. Le massacre de Gaza est comme une profonde blessure faite à l’humanité même dont la guérison ne sera ni simple ni rapide. On ne peut qu’être déconcerté par l’inaction des gouvernants européens, par leur façon de considérer comme équivalents les tirs de roquette du Hamas et la responsabilité d’un Etat membre des Nations Unies dans un bombardement systématique de l’une des zones les plus densément peuplées au monde. Les américains, quant à eux, s’abstiennent quand il s’agit d’exiger par une résolution des Nations Unies la fin des bombardements israéliens à Gaza. Le changement que Barack Obama a promis et qui lui a valu la victoire signifie-t-il qu’il aura une approche nouvelle de la réalité au Proche-Orient ? Rien ne laisse espérer une prise de conscience profonde de ce qui se joue actuellement à Gaza.

Si la stratégie de lutte contre le terrorisme et le fondamentalisme ignore les causes de la perpétuation de ces phénomènes et n’agit pas en amont, elle sera elle-même vaine et sanglante. Non seulement, le soutien unilatéral des Etats-Unis et des gouvernements européens à Israël ruine les efforts de ces Etats dans leur lutte contre le terrorisme et le fondamentalisme, mais en plus il sape toute crédibilité à la démocratie et aux luttes pour la démocratisation dans les pays du Moyen- Orient, de l’Afrique du Nord et de l’Asie.

Pour obtenir une unité nationale et mobiliser la population en leur faveur, les dirigeants israéliens ont toujours eu besoin d’un ennemi étranger et n’ont pas hésité à lancer des guerres. Les partis politiques israéliens ont toujours rivalisé pour se montrer intraitables envers les Palestiniens et capables de recourir aux armes dans les territoires occupés. L’expérience montre pourtant que plus Israël recourt à sa machinerie militaire et se montre violent, plus les forces radicales et fondamentalistes palestiniens progressent et plus les partisans d’une coexistence pacifique avec Israël se trouvent marginalisés.

L’expérience du demi-siècle passé montre aussi que les Palestiniens ne sont pas capables seuls de résoudre leurs différents avec Israël. Tant que les Etats-Unis soutiennent inconditionnellement Israël, la paix entre Israël et les Palestiniens est impossible et le cycle infernal de la destruction se poursuivra.

En Iran, le refus du despotisme de Khamenei et des mouvements extrémistes ne doit pas nous empêcher de condamner les crimes commis par l’armée israélienne à Gaza. Les forces nationales et démocratiques du Moyen-Orient ne doivent pas laisser aux extrémistes religieux le monopole de défendre les droits humains et nationaux du peuple palestinien. En plus de tout, elles doivent lutter pour que la démocratie et le combat pour la démocratisation ne soient pas assimilés à l’indifférence et à la lâcheté dans l’esprit des populations musulmanes.

Dimanche 11 janvier, à Téhéran, des agents en civil ont attaqué les manifestants qui, à l’appel des « mères de la paix », s’étaient rassemblés pour protester contre le bombardement de Gaza. Les défenseurs des droits de l’homme et de la démocratie en Iran s’étaient mobilisés pour le peuple palestinien. Mais les agents politiques de Khamenei, le Guide de la révolution, les ont agressés. Khamenei et ses proches qui veulent, à tout prix, mettre à profit les évènements sanglants de Gaza à des fins politiques insistent pour assimiler leurs opposants à des partisans de la politique d’Israël. L’initiative des « mères de la paix » montre le despotisme du Guide de la révolution sous son vrai jour et contrarie la propagande officielle des médias iraniens.

Ali Keshtgar, essayiste, rédacteur en chef de www.mihan.net

22 janvier 2009