Assistons-nous à « l’Afganisation » du Sahel après le dur ramadan subi par l’AQMI en Algérie.

Responsables politiques et militaires du Sud et du Nord se demandent si nous n’allons pas vers l’« afghanisation » du Sahel, à la suite des rudes coups portés, en Algérie, pendant le mois de Ramadan, à Al-Qaida au Maghreb islamique. En effet, le Sahel bordant l’Algérie, la Mauritanie, le Mali et le Niger est une vaste zone désertique (environ 7000 km2) où l’AQMI perçoit de l’argent en favorisant le trafic d’armes, voire de drogues, et les rançons pour libérer les otages occidentaux. Pour comprendre cette évolution, il convient de revenir sur ce Ramadan.

Précisons aussi que les chefs des services de renseignement des pays du Sahel (Algérie, Mali, Mauritanie, Niger) se sont réunis, le 15 septembre à Alger, pour définir la stratégie visant à traquer l’AQMI et assécher ses ressources. Le 18 septembre, l’AQMI a enlevé au Niger, sept employés d’Areva dont cinq français. Le 26, le Conseil des chefs d’état-major de l’Algérie, du Mali, de la Mauritanie et du Niger s’est réuni à Tamanrasset « pour un échange d’informations et d’analyses (…) et la concrétisation d’une stratégie commune de lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et les phénomènes connexes. » La précédente réunion remonte aux 12 et 13 août 2009.

Traditionnellement le mois de Ramadan (11 août- 10 septembre en 2010) est le plus sanglant de l’année en Algérie, à cause des attentats commis par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, GSPC, l’organisation armée islamiste, devenue l’AQMI, le 25 janvier 2007. Son chef Abdel Malek Droukdel aurait sous ses ordres 300 hommes. En 2009, il y a eu une dizaine de victimes et cette année, quinze, dont une majorité de militaires. Toutefois, les forces de sécurité ont réussi à porter de rudes coups aux zombies de Ben Laden : elles ont démantelé une dizaine de réseaux de soutien et arrêté plusieurs dizaines de militants de ces structures nuisibles pour la sécurité publique.

Le 8 août, une cellule d’une douzaine d’islamistes d’un réseau de soutien aux groupes armés, sur l’axe Khenchela, Tébessa et El Oued, dans l’Est du pays, a été démantelée. Ils étaient soupçonnés de fournir des informations sur les activités des services de sécurité dont tirait profit le groupe Katibat Al Ahwal, dont l’émir est le sanguinaire Khadraoui. Toujours à l’Est, dans la wilaya de Jijel, des éléments d’un réseau de soutien au terrorisme ont arrêté, début septembre.

Dans le centre du pays, d’autres réseaux ont été démantelés : à Alger, dans la wilaya de Bouira, à Tizi Ouzou et dans les wilayas de M’Sila, Boumerdès et Aïn Defla. À l’Ouest, le 24 août, c’est un réseau de recrutement du GSPC qui a été anéanti dans la région de Mostaganem. Le 26 août, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, trois terroristes, dont deux « émirs », ont été abattus par un barrage de l’ANP, près de Tadmait, et sept autres, le 28 août, à Aït Yenni.

En outre, les groupes de l’AQMI sont confrontés à un grand problème : leurs effectifs ont considérablement diminué. Les recrutements sont de plus en plus rares et se seraient même interrompus, selon certains observateurs. Signalons aussi que le nombre des attentats a diminué durant cette période dans les wilayas de Boumerdès, Tizi Ouzou et Bouira, fiefs du GSPC. Une quinzaine de terroristes ont été abattus ou capturés. En outre, aucun attentat n’a réussi dans la capitale car les multiples tentatives des terroristes ont été tenues en échec.

Quelques jours avant le mois du jeûne, le président de l’APC, Assemblée populaire communale, d’Iddir Mohand, a été assassiné devant son domicile par des islamistes. Puis, en plein Ramadan, les terroristes d’AQMI ont fait exploser, à quelques kilomètres de la ville, une bombe artisanale au passage d’un convoi militaire. Deux soldats de l’Armée nationale populaire, ANP, ont été tués et huit autres blessés et peu après un repenti a été exécuté, en pleine ville, par ses anciens complices.

Signalons que les familles riches de la région sont régulièrement victimes de rapts pour lesquels les terroristes exigent des milliards de dinars (1 milliard de dinars = 1 million d’euros) pour libérer les victimes. Ces enlèvements se comptent par dizaines et le pactole amassé par les émirs du groupe Katibat El Ansars est énorme. Récemment, des citoyens avaient organisé une marche en ville pour protester et avaient envoyé une délégation de dix personnes chez le wali de Boumerdès pour exiger la mise en place d’un dispositif qui prenne en charge sérieusement la sécurité de la commune et la lutte contre les terroristes. Ces derniers ont aussitôt riposté par des attaques contre la population. Rezag Bara, conseiller du président Bouteflika, a révélé le 9 septembre à New York, que l’AQMI a récolté plus de 50 millions d’euros venant des rançons des otages occidentaux dans la région du Sahel (environ 5 millions par otage) et 100 millions d’euros sous diverses formes.

Les services de sécurité ont pris la mesure du danger que constituent les deux seriates (groupes) qui écument cette région, réputée pour son vignoble, le plus productif d’Algérie. Ils ont renforcé le quadrillage de l’agglomération et installé trois barrages de contrôle supplémentaires. En outre, l’aspect invisible des recherches, particulièrement en direction des réseaux de soutien, se poursuit discrètement. Ainsi, deux individus qui commettaient des exactions contre la population de Baghlia, ont été arrêtés : K. R. 36 ans et H. B. 32 ans, ont des antécédents judiciaires liés à leur implication dans des activités criminelles. Cinq terroristes importants de ce secteur se sont rendus.

Enfin, Hassan Hattab, ancien émir du GSPC, qui s’était rendu en 2007, et des membres fondateurs de cette organisation ont lancé cet appel : « Nous, un groupe de prédicateurs salafistes et d’anciens émirs militaires du GSPC et tous ceux qui sont avec nous (…), sollicitons nos oulémas d’Algérie (…), afin qu’ils participent à cette initiative pacifique et civilisationnelle (…) seule issue à la tragédie que le pays a traversée « .

Les signataires : Hachemi Sahnouni, ancien dirigeant du FIS, imam plutôt radicaliste et ancien dirigeant de hijra et takfir, Abdelfettah Ziraoui Hamadache, chargé du site électronique Mirath Es-sunna, Rabie Chérif Saïd, alias Abou Zakaria, ex-chef de la commission médicale et membre fondateur du GSPC, Madi Abderrahmane, dit Abou Hadjer, prédicateur et membre fondateur du GIA, Khattab Mourad alias Abdel Bar, membre fondateur du GSPC et ex-chargé de la communication, Ben Messaoud Abdelkader alias Mossaâb Abou Daoud, ex-“émir” de la zone 9 (Sahara) du GSPC.

Soulignons enfin que c’est la première fois que des fondateurs des groupes terroristes, outre les “émirs” du GSPC, lancent un appel collectif aux ulémas du monde entier pour convaincre les terroristes toujours en activité à déposer les armes. Il a été diffusé le jeudi 9 septembre, par l’Agence de presse algérienne, APS, et par les chaînes de la TV algérienne. Enfin, depuis 2005, 7.540 terroristes ont déposé les armes et 1290 abattus.

Paul Balta, Membre du comité de rédaction de Confluences Méditerranée

4 octobre 2010