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La Méditerranée à l’heure de la métropolisation

Résumé-extrait de l’ouvrage suivant : Douay N. (dir.), 2009, La Méditerranée à l’heure de la métropolisation, Paris, PUCA – Observatoire des territoires et de la métropolisation dans l’espace méditerranéen, 242 p. http://www.metropolisation-mediterranee.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/la_mediterranee_a_l_epreuve_brochure_a5_web_cle071112.pdf

Étymologiquement, « métropole » signifie ville-mère, ville fondatrice de colonies. Ensuite, le terme a été utilisé pour désigner la capitale économique et politique d’un État, puis pour désigner une grande agglomération urbaine en fonction de différents seuils de population. La notion de métropolisation est plus récente et tend à s’imposer pour rendre compte de l’évolution contemporaine des territoires.

Nous pouvons en examiner plusieurs définitions. Marcel Roncayolo (2009) présente la métropolisation comme étant le résultat d’un double processus renvoyant à l’avènement d’une nouvelle forme d’organisation et de hiérarchie des territoires. Dans les faits cela se traduit par une logique d’extension mais aussi de concentration à l’échelle de ces métropoles.

Michel Bassand (2009) s’inscrit dans la tradition sociologique et permet de relever que ce nouveau processus d’organisation spatiale s’accompagne inéluctablement d’une nouvelle organisation sociale. Cet intérêt pour les acteurs permet de pointer l’émergence d’une société informationnelle qui peut aussi renforcer des aspects négatifs à l’image de la ségrégation sociale, de la dégradation de la qualité de vie avec notamment la forte utilisation de l’automobile ou encore l’absence d’institutions métropolitaines. Face à ce constat, Michel Bassand appelle de ses vœux une altermétropolisation.

François Moricon-Ebrard (2009) donne une lecture théorique inédite sur la façon d’aborder la question de la métropolisation. Dans la lignée des travaux de l’école du structuralisme dynamique, il propose une évolution épistémologique dans la façon d’aborder ce concept de métropolisation. Il démontre que les concepts de villes, d’agglomérations et d’aires métropolisées procèdent de morphogenèses singulières. La réflexion autour du concept de métropolisation l’amène à dégager plusieurs pistes de réflexion :

  1. la représentation de la chose métropolitaine est une affaire de réseaux et de mobilité ;
  2. la condition de son développement est la rentabilité financière ;
  3. la notion de métropole est désormais devenue mondiale.

D’où l’on déduit logiquement :

  • (a) + (b) la mobilité ne cesse de croître parce qu’elle doit générer des profits financiers ;
  • (b) + (c) la rentabilité financière se conçoit à l’échelle mondiale ;
  • (a) + (b) + (c) la condition du développement des aires métropolisées est la mondialisation.

Ces phénomènes se traduisent par une concurrence généralisée qui entraîne l’étalement du peuplement ainsi qu’une spécialisation extrême entre les lieux et les activités. Cette logique de concurrence entraîne alors les sociétés dans une course à l’excellence métropolitaine qui s’appuie sur cette double mutation tout en la renforçant.

Ces différentes approches théoriques mettent l’accent sur des réalités différentes, elles ne sont pas forcément contradictoires mais plutôt complémentaires. Ainsi, il convient de replacer ce processus de métropolisation dans un contexte plus global, et traiter des métropoles contemporaines selon deux perspectives . La première renvoie plutôt au processus interne de structuration de l’urbanisation sous l’effet des stratégies de localisation des ménages et des entreprises, il s’opère alors un étalement de l’urbanisation qui entraîne ainsi l’apparition de nouvelles spécialisations et de nouvelles centralités. La deuxième perspective est plus globale et insiste plutôt sur le développement d’un système de métropoles dans un contexte économique de concurrence généralisée. Ce binôme globalisation-métropolisation constitue finalement la substance même des grandes transformations du monde contemporain.

Le processus de métropolisation dans l’espace méditerranéen

Les différentes civilisations de l’espace méditerranéen se sont toutes appuyées sur les villes tant leurs fonctions économiques, politiques, sociales et culturelles ont façonnées le développement de cet espace. La population urbaine des agglomérations de plus de 10 000 habitants de l’ensemble des pays riverains est passée de 94 millions en 1950 soit 44% de la population à 274 millions en 2000 soit 64% (PLAN BLEU, 2006 : 195). Toutefois cette croissance n’est pas uniforme, dans les pays du Nord alors que la population urbaine atteint 129 millions en 2000, la croissance est aujourd’hui assez modérée alors que du XIXe aux années 1970 elle fut très importante. Par ailleurs les pays du Sud et de l’Est rassemblent déjà 145 millions de citadins alors qu’ils connaissent une véritable explosion urbaine depuis quelques décennies avec des vitesses trois à cinq fois supérieures à celles qu’ont connue les pays du Nord. Finalement, les prévisions du Plan Bleu (2006 : 195) pour l’horizon 2025 évoquent une population urbaine de 378 millions pour l’ensemble du bassin méditerranéen (soit 243 millions pour la rive Sud et Est et 135 millions pour la rive Nord).

Les agglomérations de 10 000 habitants et plus

Source : Geopolis, publié par le plan bleu

Ce mouvement d’urbanisation s’inscrit de nos jours dans une logique plus globale, celle de la métropolisation des territoires et de la globalisation de l’économie. Les villes sont donc et seront encore à l’avenir les lieux de changements et transformations majeures pour l’espace méditerranéen.

Sur les bases d’une recherche (DOUAY 2009), comparative entre 16 métropoles, menée pour le compte de l’Observatoire des territoires et de la métropolisation dans l’espace méditerranéen (OTM) cet article s’inscrit dans la dynamique des travaux de l’équipe e-Geopolis et a pour objectif de dresser le portrait du phénomène métropolitain dans quelques métropoles.

Mesurer le processus de métropolisation

Chacune des cartes a été construite à la même échelle et présente une aire strictement équivalente en termes de surface au sol (75 x 75 km). L’agglomération mère (métro-pole) est disposée au centre du cartouche. Les cercles tiennent lieu d’échelle et correspondent à une distance de 30 kilomètres par rapport au centre (30, 60, 90).

Les dates des sources pouvant être très différentes d’un pays à l’autre, les données statistiques ont été harmonisées par interpolation géométrique de manière à renvoyer aux mêmes dates. La population des unités locales correspond au 1/7/2000 et la variation de la population à la période 1/7/1990-1/7/2000. Font exception Alger (1987-1998) et Le Caire (1986-1996).

Afin d’optimiser les comparaisons, les cartes présentent trois types d’information en utilisant la même légende.

  1. Le nombre d’habitants des unités locales (communes, municipalités ou équivalent) donne une idée de la répartition des masses de populations dans l’espace. En effet, un même taux de variation appliqué à une communauté de quelques dizaines ou de plusieurs milliers d’habitants n’a pas le même sens. Ces unités locales correspondent à la définition « politique » de la ville. Dans tous les cas ce sont des unités administratives fonctionnelles représentant le niveau d’encadrement du territoire fonctionnel le plus fin. Dans le cas où les grandes villes divisées en arrondissements (Alger, Beyrouth, Tunis, Alexandrie, Istanbul), ces derniers ont donc été regroupés et leur population additionnée.
  2. L’extension spatiale des agglomérations urbaines a été définie conformément aux critères adoptés dans la base de données mondiale Geopolis (Moriconi-Ebrard, 1994) : ce sont des espaces bâtis sans solution de continuité et dont l’ensemble compte au moins 10 000 habitants. Elles sont représentées par une tache gris sombre. A cause de l’échelle, elle est parfois masquée par les cercles représentant la taille de la population.
  3. La variation de la population des unités locales est répartie en trois classes :
    1. supérieure à la moyenne nationale ;
    2. positive mais inférieure à la moyenne nationale ;
    3. négative.

En effet, la croissance naturelle de la population est extrêmement hétérogène selon les Etats – elle s’étend de zéro (Italie) à plus de 3% (Palestine) – et la majeure partie de la variance de ses composantes (taux de natalité et de mortalité) est corrélée aux comportements nationaux.

Les unités locales qui sont dans le cas n°1 présentent un taux d’accroissement démographique supérieur à la moyenne, ce qui signifie qu’elles sont investies par de jeunes actifs et/ou un solde migratoire positif, et témoignant donc du fait qu’elles sont attractives.

Celles qui sont dans le cas n°2 sont dans une phase de déclin relatif, même si leur taux de croissance démographique est positif : soit à cause des départs, soit à cause d’un déficit de jeunes ménages en âge de procréer.

Dans le cas n°3, la population des unités locales sont en déclin absolu : c’est le cas de nombreux centres et de leurs banlieues proches, ainsi que des villages qui continuent à être victimes de l’exode rural ou de ses conséquences – le vieillissement de la population – et que le redéploiement métropolitain n’avait pas atteint en 2000.

Légende commune aux 16 cartes.

Légende commune aux 16 cartes.

Marseille : désindustrialisation et périurbanisation

Marseille : désindustrialisation et périurbanisation

Naples : désindustrialisation et périurbanisation

Naples : désindustrialisation et périurbanisation

Alger : croissance ancienne

Alger : croissance ancienne

Alexandrie : explosion récente

Alexandrie : explosion récente

Montpellier : croissance récente

Montpellier : croissance récente

Beyrouth : les effets de la reconstruction

Beyrouth : les effets de la reconstruction

Tel-Aviv /Jérusalem : colonisation et occupation

Tel-Aviv /Jérusalem : colonisation et occupation

Comparer le processus de métropolisation

Les tableaux visent à donner quelques informations statistiques de base sur les quinze sites étudiés. Ces statistiques renvoient aux trois niveaux de définitions : ville, l’agglomération urbaine, et l’aire « métropolisée ».

La délimitation des aires métropolisées est l’aspect le plus problématique de la méthodologie. En effet, on doit se souvenir que, faute de mieux, on ne peut que proposer une approche indirecte d’un phénomène sur lequel les informations les plus significatives, détenues par le secteur privé, sont secrètes. À défaut, l’approche proposée permet de décrire les conséquences de la métropolisation sur le plan des dynamiques du peuplement.

On a pris ici pour hypothèse que les unités locales du cas n°1 (croissance supérieure à la moyenne, en noir sur les cartes) dessinent les espaces attractifs au plan national. Faute de données ad hoc sur les véritables indicateurs de la métropolisation (détenues par le secteur privé), on peut considérer l’aire que ces unités locales couvrent correspond en gros à une aire métropolisée qui se forme autour des agglomérations étudiées. La forte croissance des villes et des villages situés en dehors de l’agglomération centrale est en effet fortement corrélée avec leur mise en réseau avec les centres urbains.

À ces unités locales, on a ajouté en totalité la population des agglomérations centrales. Dans ces agglomérations, on trouve en effet de nombreuses unités locales qui sont dans le cas n°2, voire dans le cas n°1 (variation négative), puisque la majorité des villes éponymes ont perdu des habitants au cours de la période. Cependant, ces unités locales présentent par définition la particularité d’être agglomérées au noyau central, qui alimente le moteur de la redistribution spatiale du peuplement dans l’aire métropolisée.

Il est à noter que l’extension spatiale de plusieurs aires métropolisées dépasse le cadre des cartes. Dans les tableaux, les chiffres restituent cependant des données pour l’ensemble des aires métropolisées, en incluant les zones hors carte.

Comparaison des aires métropolisées

Comparaison des aires métropolisées

  1. relie Marseille, Nice et Montpellier en France, mais s’étend également jusqu’à Lyon et hors des frontières françaises. Les totaux ne présentent ici que la partie française. Ils n’incluent ni Gênes en Italie ni la partie Suisse.
  2. jointive avec l’AM du grand sud-est de la France
  3. relie les deux agglomérations de Rome et Naples
  4. Partie israélienne seulement : non compris les colonies juives en Palestine et les villages palestiniens

Les 15 agglomérations littorales étudiées se réduisent à 12 aires métropolisées (AM) car, d’une part, les trois agglomérations françaises et Gênes font partie d’une même AM dont l’extension spatiale, qui va jusqu’à Dijon au nord, dépasse largement le cadre de l’étude (DINARD & MORICONI-ÉBRARD, 2001) et d’autre part, Rome et Naples forment de même une seule AM.

Répartition structurelle des masses de population

Répartition structurelle des masses de population

* hors agglomérations de Lyon, Toulon, Grenoble, Saint-Etienne, Dijon, Avignon et les trois agglomérations du tableau.

Extension territoriale et administrative

Extension territoriale et administrative

Nota : Les superficies de la ville (administrative) et de l’agglomération (espace urbanisé) ne sont pas comparables, car le territoire de certaines villes comprend des espaces non agglomérés.

La superficie d’une aire métropolisée est grosso modo proportionnelle à la taille de l’agglomération. Elle est généralement 10 à 12 fois plus étendue que celle de son noyau aggloméré. Ces vastes dimensions confèrent à l’aire métropolisée une bonne partie de son originalité et cette caractéristique est liée à l’accroissement récent de la mobilité non résidentielle.

Densité résidentielle

Densité résidentielle

Si les densités de la ville et de l’agglomération sont souvent du même ordre de grandeur, l’on observe en revanche une rupture importante lorsqu’on compare leur valeur à la densité de l’aire métropolisée (AM). Celle-ci est en moyenne de 8 à 12 fois inférieure en Europe, mais la différence est moindre dans la plupart des AM du sud (Beyrouth, Tel Aviv, Alger, Tunis). La densité absolue de l’AM est également très élevée à Alexandrie. Ceci s’explique par le fait que dans les pays du sud, les AM englobent de nombreuses agglomérations secondaires qui sont très denses, mais distinctes morphologiquement du noyau principal.

Variation de la population

Variation de la population

La croissance de la population de l’aire métropolisée est systématiquement supérieure à celle de l’agglomération (sauf à Beyrouth, qui se relève de la guerre au cours de la période étudiée), laquelle est-elle même supérieure à celle de la ville-centre. Ce phénomène est toutefois moins net au sud, où les agglomérations centrales ont encore des taux de croissance élevés : ceci indique que le processus de métropolisation y est relativement moins avancé, tandis que celui d’urbanisation reste encore actuel. Il faut cependant rappeler que la croissance urbaine a aujourd’hui fortement ralenti, après avoir atteint son apogée au cours de la période 1950-1980.

Un processus sélectif

La métropolisation, processus sélectif de concentration : les données montrent effectivement que tout le territoire n’est pas attractif. Ceci signifie donc qu’il existe encore des territoires délaissés. SI l’exode rural subsiste dans de nombreux pays en développement, il a été remplacé dans les pays développés par un exode pro-métropolitain qui peut affecter aussi bien des zones rurales que des zones urbaines. Ainsi, en France certaines campagnes continuent à se dépeupler (Creuse, Haute-Marne…), prolongeant ainsi localement un mouvement d’exode rural enclenché il y a un siècle et demi. Mais à la différence de l’exode rural, l’exode pro-métropolitain peut aussi contribuer au déclin relatif ou absolu de certaines agglomérations urbaines. Tel est par exemple le cas des vieilles régions désindustrialisées (Maubeuge, vallées des Vosges,…) et d’un grand nombre de chefs-lieux et centres administratifs isolés dont la base économique et fonctionnelle n’est plus soutenue par la puissance publique (Bourges, Roanne, Moulins…).

Bien que les processus de métropolisation et d’urbanisation ne procèdent pas des mêmes dynamiques anthropologiques, ils ne s’excluent pas nécessairement mais au contraire se superposent souvent dans l’espace géographique, notamment au cours de la phase de transition métropolitaine. Les cartes révèlent ainsi que toutes les métropoles méditerranéennes n’en sont pas au même point dans le processus de desserrement. Celui-ci est beaucoup plus avancé dans les pays développés (agglomérations de la rive nord de la Méditerranée), où, en 2000, la métropolisation avait déjà engendre la formation de vastes couloirs connectant plusieurs pôles urbains. Autour des métropoles du Sud (Oran, Alger, Beyrouth), ce processus dessinait une auréole qui élargit la forme de l’agglomération principale, évoquant la situation qui prévalait en Europe dans les années 1960-1970 (DINARD & MORICONI-EBRARD, 2001). Ceci explique également la densité beaucoup plus élevée des aires métropolisées du sud.

Contre-urbanisation ou métropolisation : ces deux points de vue ne se contredisent pas, mais se complètent. Le premier permet de comprendre (a) les mécanismes de l’étalement du peuplement qui produit les aires métropolisées ; le second, (b) la mise en réseau nécessaire de ces aires métropolisées au niveau mondial. La prise en compte de ces deux dynamiques (a) + (b) va nous permettre de saisir en quoi la métropolisation est la manifestation spatiale de la mondialisation.

Aucune métropole du littoral méditerranéen ne peut se prévaloir d’être une métropole mondiale de « premier niveau ». Selon les critères admis, ce club très fermé compte ses membres sur le doigt d’une main : New York, Londres, Tokyo en font partie, et même la place de Paris et de Los Angeles y est discutée (SASSEN, 1996).

Si même la place de Paris est discutée au « premier niveau », c’est que les métropoles méditerranéennes sont sans conteste, et au mieux, des « métropoles de deuxième rang », soit à cause de la taille réduite de leur population (Montpellier, Oran, Nice, Gênes…), soit à cause de leur faible niveau de développement économique (Alexandrie, Alger, Oran, Tunis…). Le tableau donne la mesure de l’écart des richesses générées par les agglomérations du littoral méditerranéen, comparées à celles des six métropoles les plus riches de la planète. La somme des Produits Urbains Bruts (PUB) générés par les 15 métropoles méditerranéennes n’atteint même pas le PUB de Los Angeles, et la moitié de celui de New York ou de Tokyo !

La prise en compte des aires métropolisées, et non plus seulement de l’agglomération, pourrait changer significativement leurs poids démographiques économique absolu. Ainsi, les trois agglomérations françaises semblent faire partie d’une vaste aire métropolisée reliant tout le grand sud-est français, Gênes et l’ouest de la Suisse, soit un ensemble de 15 millions d’habitants (DINARD & MORICONI-EBRARD, 2001). Cependant, il serait nécessaire de comparer ces grands ensembles à des objets homologues tels que les megalopolis nord-est américaine, californienne et japonaise, ou encore le nord-ouest de l’Europe, ce qui ramènerait les métropoles méditerranéennes loin derrière ces dernières. Une fois de plus, force est de revenir au problème de délimitation spatiale des aires métropolisées. En effet, la plupart des économistes et des socilologues évacuent cette question. Ainsi Manuel Castells isole-t-il New York de Washington, de Philadelphie et de Boston (CASTELLS, 1998 : tableau 6), tandis que d’autres considèrent que la côte est des Etats-Unis constitue une seule mégalopole incluant ces quatre villes (GOTTMAN, 1961).

Mais pour dépasser ce débat, il faut surtout remarquer que les indicateurs les plus significatifs qui servent à évaluer la portée mondiale des métropoles ne sont même pas applicables à plusieurs métropoles méditerranéennes. Les cas de l’activité boursière et du nombre de siège d’entreprises multinationales sont parmi les plus significatifs. Ainsi Montpellier et Oran sont dépourvues de bourse, tandis que le nombre de sièges d’entreprises multinationales d’Oran et d’Alexandrie est quasi nul.

L’augmentation du coût de la rente impliquant un accroissement de la masse monétaire, le déploiement des « métropoles de second rang » sur les littoraux ne peut s’expliquer que par l’apport de capitaux extérieurs. Dès lors, le processus de métropolisation ne peut localement se comprendre que par la mise en réseau mondiale des métropoles.

Si l’expression « métropoles en réseau » apparaît a priori comme un pléonasme, il faut entendre par cette expression que le déploiement d’aires métropolisées en Méditerranée procède essentiellement de transferts de capitaux depuis d’autres centres de l’économie mondiale, qui ne sont autres que ces « métropoles mondiales de premier rang » des classements économiques. Ces transferts contribuent à une hausse des prix du foncier, ce qui localement contribue puissamment à trier les activités et les hommes dans l’espace et à accentuer les contrastes existants. Ces contrastes entraînent notamment une survalorisation des espaces « rares », tels que les littoraux touristiques, où le foncier est souvent devenu inaccessible aux populations locales. Ainsi, voit-on les prix des appartements de la Croisette à Cannes, de Capri (Naples) ou de la Corniche de Beyrouth flirter avec les records absolus de la Planète, comparables à ceux des centres des « métropoles de premier rang ».

Tout comme le financement de la mobilité, celui de la rente foncière métropolitaine implique donc une croissance des échanges monétaires sans croissance locale de la production matérielle. Ici encore, la logique de l’accroissement du profit financier semble accompagner le processus de métropolisation. Privatisation de la mobilité, augmentation des prix du foncier, transferts mondiaux de capitaux : si l’on peut vérifier empiriquement quelques uns de ces faits, ces observations restent toutefois ponctuelles et il est impossible de mesurer l’ampleur ou l’intensité réelle de ces phénomènes de manière systématique, faute de données accessibles au public. Aussi, doit on rappeler que l’ensemble de ces remarques risque de rester encore longtemps à l’état de simples hypothèses, tout en remarquant que le secret statistique, dans le cas précis, n’est peut-être pas protégé en vain.

Population et PUB des « métropoles méditerranéennes » comparés aux « métropoles mondiales »

Population et PUB des « métropoles méditerranéennes » comparés aux « métropoles mondiales

Source : FME- GEOPOLIS 2006. Le PUB/habitant est égal au PIB/habitant du pays (source : Banque Mondiale, 2006) multiplié par le ratio de surproductivité (RSP) de l’agglomération (voir méthodologie in : Moriconi-Ebrard, 2000)

Conclusion : La métropolisation méditerranéenne face au développement durable.

À l’heure où la thématique du développement durable tente de s’immiscer au cœur des agendas politiques locaux et nationaux de l’espace méditerranéen. Le concept de métropolisation des villes et des territoires offre une clé de lecture originale.

Alors que l’espace méditerranéen a longtemps été lu à travers le clivage traditionnel entre les rives nord et sud, ce processus de métropolisation remet progressivement en cause cette vision et met en valeur de nouvelles dynamiques. Dans un contexte d’urbanisation quasi généralisée les grandes lignes de fracture peuvent désormais se lire entre les aires métropolisées et les espaces résiduels de cette métropolisation soit les espaces qui demeurent encore largement ruraux, ainsi que les petites villes et agglomérations qui sont encore dans une économie fordiste. Ce clivage nord-sud se retrouve avec une acuité toute particulière à l’échelle interne des métropoles. Opposant alors les espaces raccrochés aux dynamiques de la globalisation aux espaces exclus de ces mêmes dynamiques qui offrent par conséquent des paysages de pauvreté au nord comme au sud même si au sud cette partie de l’aire métropolitaine est souvent bien plus importante qu’au nord et si les situations les plus difficiles apparaissent plus dramatiques encore.

À la lumière des enjeux présents, les défis qui s’imposent sont d’importance : il s’agit de raccrocher le bassin méditerranéen aux grandes dynamiques de globalisation de l’économie afin de réduire les phénomènes de marginalisation qui peuvent se manifester violemment au sein de certaines parties des espaces métropolitains. À l’échelle plus locale les défis métropolitains renvoient au Nord comme au Sud et à l’Est à la maîtrise du développement urbain afin d’améliorer la cohésion sociale et territoriale et de promouvoir des modes de vie moins gaspilleurs et moins pollueurs.

Cet avenir dépend des politiques et des projets qui seront élaborées et menées dans ces métropoles, à l’échelle méditerranéenne et euro-méditerranéenne cela implique le développement de coopérations entre les différents pays et entre les différentes métropoles. Dans cette perspective, la constitution d’un espace euro-méditerranéen constitue l’une des clés à l’avènement d’un espace méditerranéen plus intégré à l’économie mondiale mais aussi plus durable.

Bibliographie

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Nicolas Douay,
niversité Paris-Diderot, Maître de conférences en urbanisme, nicolas.douay@gmail.com

Françcois Moriconi-Ébrard, CNRS (UMR SEDET), Directeur de recherche au CNRS, fme@noos.fr

10 décembre 2009