Frappante maturité des opinions arabes

Que n’a-t-on écrit sur la « rue arabe », cette expression méprisante si souvent utilisée par les grands médias ? La nouvelle enquête de l’Arab Center for Research and Policy Studies (Carep, Doha) donne à voir au contraire des opinions d’une maturité frappante, du Machrek au Maghreb  (1).

Rien là d’un simple sondage : plus de 900 chercheurs ont interrogé en face-à-face 33 000 personnes dans quatorze pays de la région  (2). Le nombre d’enquêtés n’a d’ailleurs cessé d’augmenter depuis la première étude du Carep en 2011. Et les huit éditions déjà publiées permettent d’observer l’évolution des esprits depuis le début de ce qu’on a appelé les « révolutions », ou « printemps », arabes.

La diversité des domaines abordés rend évidemment difficile toute recension exhaustive. Mais un simple exposé synthétique des réponses les plus significatives suffit pour balayer bien des idées reçues sur le monde arabe.

Direction

52 % des sondés (contre 42 %) estiment que leur pays va « dans la mauvaise direction ». Cette appréciation négative est majoritaire dans tout le monde arabe, sauf le golfe Arabo-Persique (8 % contre 89 %).

Économie

Seuls 25 %, essentiellement dans le Golfe, estiment que le revenu de leur foyer « couvre leurs besoins et leur permet d’économiser ». Mais 42 % affirment qu’il « couvre leurs besoins mais ne leur permet pas d’économiser ». Et 28 % affirment que leur revenu « ne suffit pas pour les dépenses indispensables et qu’ils rencontrent des difficultés » — ce dernier pourcentage atteignait toutefois 41 % en 2011.

Sécurité

À l’inverse, le sentiment de sécurité est largement majoritaire : 61 %, contre 38 %. Voilà qui contraste avec la situation économique, que seuls 44 %, en moyenne, jugent positive (contre 54 % négative, notamment dans le Machrek). Quant à la situation politique 49 % la trouvent négative (contre 44 % positive).

Économie

Seuls 25 %, essentiellement dans le Golfe, estiment que le revenu de leur foyer « couvre leurs besoins et leur permet d’économiser ». Mais 42 % affirment qu’il « couvre leurs besoins mais ne leur permet pas d’économiser ». Et 28 % affirment que leur revenu « ne suffit pas pour les dépenses indispensables et qu’ils rencontrent des difficultés » — ce dernier pourcentage atteignait toutefois 41 % en 2011.

Sécurité

À l’inverse, le sentiment de sécurité est largement majoritaire : 61 %, contre 38 %. Voilà qui contraste avec la situation économique, que seuls 44 %, en moyenne, jugent positive (contre 54 % négative, notamment dans le Machrek). Quant à la situation politique 49 % la trouvent négative (contre 44 % positive).

Graphique sur
Cette figure et les suivantes proviennent du compte-rendu de l’enquête

Priorités

Logiquement, 60 % accordent donc la priorité à l’économie, 16 % au fonctionnement de l’État et des services publics et 12 % à la sécurité-stabilité.

Désir d’émigration

En moyenne, 28 % des sondés désirent émigrer, un pourcentage qui n’a cessé d’augmenter depuis 2011 : il atteint désormais 6 % dans le Golfe, 28 % dans le Maghreb, 36 % dans la vallée du Nil et 41 % dans le Levant et le Machrek.

Institutions

Interrogés sur les institutions de leur pays dans lesquelles ils ont « très » ou « un peu confiance », 84 % répondent l’armée, 73 % la police, la sécurité générale et la gendarmerie, 69 % la justice religieuse, 68 % la justice civile, 55 % le gouvernement et les ministères, 47 % le Parlement, 60 % les médias locaux, 53 % les conseils locaux et municipaux et 55 % les entreprises privées.

Corruption

Cette confiance dans les institutions, notamment sécuritaires, est d’autant plus étonnante que l’opinion semble consciente du degré de corruption de son pays : 48 % la jugent « très répandue », 25 % « relativement répandue », 14 % « peu prévalente » et 10 % « pas du tout », le Machrek étant le plus concerné et le Golfe le moins.

Démocratie

Un des clichés les plus répandus oppose Arabes et démocratie. Or, selon l’enquête, 72 % des enquêtés (contre 19 %) affirment que « le système démocratique, malgré ses défauts, est meilleur que tous les autres », le Maghreb arrivant en tête et le Golfe en queue. En même temps 47 % estiment que « [leur] société n’est pas préparée à la démocratie », 41 % que « les démocraties sont caractérisées par l’indécision et la discorde », 35 % que « les démocraties ne sont pas efficaces en matière d’ordre et de sécurité », 33 % que « la performance économique souffre de la démocratie » et 24 % que « la démocratie est incompatible avec l’islam ».

Invités à choisir le système qu’ils préfèrent, 71 % citent un « système démocratique », 38 % un « système dirigé par l’armée », 35 % un « gouvernement fondé sur la charia », 31 % un « système électoral limité aux partis islamistes » et 21 « limité aux partis non religieux et laïques », enfin 22 % un « système non-démocratique/autoritaire ».

Alternance

« Accepteriez-vous qu’un parti avec lequel vous êtes en désaccord accède au pouvoir au cours d’une élection libre ? » « Oui », répondent 53 % (contre 40 %). Seuls les sondés du Levant et du Machrek répondent majoritairement « non ».

Révolutions arabes

L’appréciation de leur bilan apparaît mitigée : « très positif » pour 20 %, « relativement positif » pour 26 %, « relativement négatif » pour 15 %, « très négatif » pour 25 %, 15 % ne répondant pas. Les opinions négatives croissent avec le temps.

Graphique sur les résultats du sondage sur les printemps arabes
Les raisons des Révolutions arabes apparaissent comme très diverses.
Graphique sur les résultats du sondage sur les printemps arabes

Quant à l’avenir du « printemps arabe », les opinions se partagent également entre ceux qui croient qu’« il rencontre actuellement des obstacles mais finira par atteindre ses objectifs » (40 %) et ceux pour qui « il est arrivé à son terme, les anciens régimes revenant au pouvoir » (39 %) — 9 % répondent « ni l’un ni l’autre » et 12 % refusent de répondre.

Politisation

Intérêt ou apathie vis-à-vis de la politique ? 12 % se définissent comme « très concernés/engagés », 22 « concernés/engagés », 27 « concernés jusqu’à un certain point » et 37 « pas du tout ». Seuls 51 % (contre 41 %) prévoient de voter aux prochaines élections. Et 69 % (contre 26 %) ont confiance dans les partis politiques.

Information

Si la télévision satellitaire reste le principal moyen d’information des sondés, la percée d’Internet est rapide et massive.

Graphique sur les résultats du sondage sur les médias arabes

Religion

C’est sans doute sur la religion et sa place dans la vie politique que l’évolution des opinions arabes est la plus nette.

Personnellement, 24 % des enquêtés se disent « très religieux », 61 « jusqu’à un certain point » et 12 « pas religieux ». Mais comment définissent-ils l’adjectif « religieux » ? Dans l’ordre décroissant : quelqu’un qui « s’acquitte de ses obligations religieuses » (38 %), est « honnête et digne de confiance » (28 %), « traite les autres gentiment » (15 %), « reste proche de sa famille et la traite bien » (6 %), « aide les pauvres et les nécessiteux » (8 %), enfin « tout cela » (2 %).

Ce qui frappe ensuite, c’est l’ouverture : 65 % des enquêtés (contre 29 %) approuvent l’idée que « nul n’a le droit de déclarer infidèles/apostats les tenants d’autres religions ». Au quotidien, « préférez-vous traiter avec » « Des personnes religieuses », répondent 31 % « des personnes non religieuses » (9 %) « je n’ai pas de préférence » (59 %).

Suit une question directement politique : 72 % (contre 22 %) estiment que « le gouvernement n’a pas le droit d’utiliser la religion pour obtenir le soutien à sa politique ». Le pourcentage d’approbation va jusqu’à 89 % en Égypte, mais descend à 61 % en Arabie saoudite.

Enfin 47 % approuvent et 48 % désapprouvent l’idée selon laquelle « ce serait mieux pour mon pays si la religion était séparée de la politique ». L’approbation varie significativement selon la région : 57 % au Levant et dans le Machrek, 42 % dans le Maghreb, 50 % dans la vallée du Nil et 42 % dans le Golfe.

Unité arabe

Les peuples arabes « constituent une seule nation séparée par des frontières artificielles », estiment 39 % des sondés. Et 41 % estiment qu’ils « constituent une seule nation, même si chaque peuple a ses spécificités ». Seuls 17 % pensent que « les peuples arabes sont des nations différentes, liées par des liens ténus ».

Menaces

À la question « Pensez-vous que les politiques de quelques puissances internationales et régionales menacent la sécurité et la stabilité de la région », les enquêtés répondent d’abord Israël (84 %), suivi des États-Unis (78 %), de l’Iran (59 %), de la Russie (57 %), de la France (53 %), de la Chine (37 %) et de la Turquie (35 %).

Si la question est « Quels États représentent la plus grande menace pour les pays arabes ? », 38 % des enquêtés répondent Israël, 21 % les États-Unis, 7 % l’Iran, 5 % d’autres États arabes, 3 % la Russie, 2 % des pays européens et 2 % d’autres États. Seules les opinions du Golfe se différencient nettement : l’Iran arrive en second avec 14 %, derrière Israël (17 %) mais devant les États-Unis (10 %).

Palestine et normalisation

76 % estiment que « la cause palestinienne concerne tous les Arabes et pas seulement le peuple palestinien », contre 16 % pour qui elle « ne concerne que les Palestiniens », 5 % répondant « ni l’un ni l’autre ».

Seuls 8 « soutiendraient une reconnaissance diplomatique d’Israël par leur État », 84 % s’y « opposeraient » — des pourcentages qui sont stables depuis 2011 et très proches dans les différentes régions du monde arabe.

Graphique sur les résultats du sondage sur la réconnaissance d'Israël

France

L’enquête évalue aussi — sans surprise — une appréciation sévère de la politique des puissances vis-à-vis de la Palestine. Celle de la France est jugée « très positive » par 4 %, « positive » par 17 %, « négative » par 31 % et « très négative » par 30 %.
Article de Dominique Vidal

ÉDITO

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LES ANALYSES DE CONFLUENCES

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Palestine à l’UNESCO : le sens d’un choix

La Palestine vient d’être admise comme membre à part entière à l’UNESCO. C’est une victoire diplomatique importante pour l’Autorité palestinienne, sur les plans symbolique, politique et pratique. Symbolique, parce que, pour la première fois, les Palestiniens seront considérés dans une organisation internationale à l’égal de toutes les autres nations, comme s’ils avaient enfin leur État ; politique, parce qu’il s’agit d’une première étape qui en annonce d’autres sur le chemin de la reconnaissance internationale ; pratique, parce que ce nouveau statut au sein de l’UNESCO doit leur permettre de bénéficier des programmes et du soutien de cette organisation pour la préservation de leur riche patrimoine culturel.

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