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Netanyahou livre Israël aux suprémacistes juifs

 

Il arrive qu’on regrette d’avoir eu raison. Les lecteurs de la Presse Nouvelle Magazine peuvent en témoigner : depuis l’été 2021, j’ai mis en garde contre les conséquences de la politique menée par le soi-disant«gouvernement du changement» de Naftali Bennett et Yaïr Lapid, tremplin d’une victoire du bloc de Netanyahou et d’une percée,  en son sein, du Parti sioniste religieux.  

En fait de changement, cette coalition surréaliste a accentué la politique anti-palestinienne des équipes précédentes : accélération de la colonisation, record de répression depuis 2005[1], interdiction pour «terrorisme» de sept ONG de défense des droits humains, déportation de milliers d’habitants de Masafer Yatta… Bref, lorsque Lapid est allé à Nazareth supplier les Palestiniens d’Israël de voter pour sa coalition, il n’avait guère d’argument. 

Une fois encore, la fameuse «loi» dite Le Pen s’est vérifiée: «L’électorat préfère l’original à la copie.» Face à une gauche juive et arabe discréditée et profondément désunie, l’électorat populaire a poursuivi sa radicalisation à droite: non seulement en faveur du Likoud et des haredim, mais aussi de leurs alliés suprémacistes juifs, racistes et homophobes. 

Un facteur a joué un rôle dont les études électorales confirmeront sans doute l’importance: la peur suscitée par le Printemps palestinien de 2021 – moins la guerre de missiles avec Hamas que la révolte jeunesse arabe à Jérusalem et surtout dans les villes dites «mixtes», sur fond de flambée raciste[2].

D’où le triple résultat des élections du 1er novembre, qui aura, à coup sûr, des conséquences graves pour les Palestiniens et pour les Israéliens, mais pourrait même menacer, à terme, ce qui reste de démocratie israélienne, avec la marginalisation de la Cour suprême :

  • une nette victoire de l’alliance de droite conduite par Benyamin Netanyahou (64 sièges sur 120) ;
  • un poids sans précédent en son sein des suprémacistes (14 sièges) dont le Premier ministre sera l’otage, comme en témoignent déjà les postes qui leur sont promis (ministère de la Sécurité nationale pour Ben Gvir et gestion de la Cisjordanie pour Smotrich) dans le gouvernement en cours de formation;
  • une relance du projet théocratique des partis ultra-orthodoxes et sioniste religieux, contre l’aspiration de près des deux-tiers des Juifs israéliens à une séparation de la synagogue et de l’État[3].

 

Dans les dernières semaines de la campagne électorale, Ben Gvir a certes tenté d’arrondir son image, mais sans tromper que les naïfs. Même le général Dan Haloutz, ancien chef d’état-major de Tsahal, estime qu’«il n’a pas changé et ne changera pas» et que ses idées pourraient entrainer une «guerre civile[4]». Quant au président de l’État d’Israël, Isaac Herzog, il assure: «Cet individu inquiète le monde entier[5] «Modération»? Tout en brandissant son révolver en plein Sheikh Jarrah, il a conseillé à ses partisans criant «Mort aux Arabes» de se contenter de «Mort aux terroristes[6]». Un de ses colistiers, Almog Cohen, a d’ailleurs vendu la mèche: il s’agit de créer un «cheval de Troie[7]» pour permette au parti kahaniste d’entrer à la Knesset sans être disqualifié par la Cour suprême…

Le nom décisif, c’est de Meir Kahane, dont Ben Gvir s’est longtemps présenté comme l’héritier. Fondateur de la Ligue de défense juive, emprisonné à plusieurs reprises pour  «terrorisme» aux États-Unis, il a fait son aliya en 1971, multipliant les violences anti-Arabes au service de son objectif: un Grand Israël vidé de tous ses Palestiniens. Treize ans plus tard, il fut élu député, créant un choc tel que pas un député n’assistait à ses discours. Ses collègues décidèrent alors d’interdire l’incitation au racisme dans le Code pénal et la Loi fondamentale régissant la Knesset. Si bien que Kahane fut exclu du scrutin de 1988. Le 5 novembre 1990, il mourait assassiné à New York. 

Mais les deux partis qui s’en réclamaient – Kach et Kach Hai – poursuivirent leurs actions violentes. Le 25 février 1994, 29 musulmans en prière dans la mosquée d’Abraham à Hébron seront massacrés par un colon kahaniste, Baruch Goldstein – dont le portrait trônera longtemps sur le bureau de Ben Gvir. Un mois plus tard, les deux partis sont interdits comme «organisations terroristes». Ils n’en inspireront pas moins Yigal Amir, l’assassin d’Itzhak Rabin, le 4 novembre 1995. Peu avant, Ben Gvir apparut à la télévision en brandissant la plaque minéralogique de la voiture du Premier ministre, et annonça: «Nous avons eu sa voiture, et nous l’aurons lui aussi[8].»

L’histoire ne pardonnera jamais à Benyamin Netanyahou d’avoir rouvert en 2021 les portes de la Knesset aux kahanistes. Rien là, toutefois, d’une alliance contre nature: le chef du Likoud a lui-même grandi dans le sérail sioniste révisionniste. Comment oublier que, dans années 1930, David Ben Gourion appelait Jabotinsky… «Vladimir Hitler»? En fait, c’est surtout Mussolini qui soutenait le Betar: il avait mis à sa disposition à Bari un émetteur radio couvrant tout le Moyen-Orient ainsi qu’à Civitavecchia des locaux pour son école de cadres. Le Duce expliqua en 1935 à David Prato, futur grand rabbin de Rome: «Pour que le sionisme réussisse, il vous faut un État juif, avec un drapeau juif et une langue juive. La personne qui comprend vraiment cela, c’est votre fasciste, Jabotinsky[9]

Bref, la référence au fascisme n’a rien d’excessif. Condamné à maintes reprises par la justice israélienne, même l’armée n’a pas laissé Ben Gvir effectuer son service militaire tant elle le jugeait «dangereux». Au printemps 2021, évoquant son rôle dans les violences à Jérusalem et au sein des villes dites mixtes, le chef de la police de Jérusalem Kobi Shabtaï déclara à Netanyahou: «La personne qui est responsable de cette Intifada est Itamar Ben Gvir[10]». Jusqu’aux dernières semaines, cet homme prônait l’annexion de toute la Palestine et le «transfert» de tous ses habitants arabes. Il se prononce toujours pour la déportation des Israéliens «déloyaux» qui «travaillent contre l’État» – parmi lesquels il cite le député arabe Ayman Odeh, mais aussi le député juif Ofer Cassir… Toujours dans la surenchère, Bezalel Smotrich exige, lui, l’interdiction des partis arabes, «le plus grand danger aujourd’hui pour [notre] sécurité[11]».

Le leader sioniste religieux défend le même programme politique que Ben Gvir, mais il l’inscrit dans une perspective messianiste: l’État d’Israël doit être «dirigé conformément à la Torah et à la Loi juive[12]» – à l’exclusion du judaïsme réformé, qu’il considère comme une «fausse religion». Son racisme décomplexé va jusqu’à la séparation entre femmes juives et arabes dans les maternités: «Il est naturel, a-t-il expliqué, que ma femme ne veuille pas être allongée à côté de quelqu’un qui a donné naissance à un bébé qui pourrait vouloir assassiner son bébé dans vingt ans[13]». Cette hystérie anti-arabe se double d’une homophobie obsessionnelle : après l’assassinat en juillet 2015 d’un participant à la Gay Pride de Jérusalem, il n’hésita pas à qualifier celle-ci d’«abomination» et de «parade bestiale»

Jusqu’où ira cette fascisation d’Israël? Ben Gvir et Smotrich ne sont pas des extrémistes isolés, ni même marginaux. Sauf crise majeure débouchant sur une nouvelle forme d’union nationale, Netanyahou n’aura pas de majorité sans eux. La gauche juive comme arabe est au plus bas, incapable de proposer une alternative à un électorat populaire emporté par la rhétorique raciste. Le risque est grand que l’opposition vote avec ses pieds: des centaines de milliers de citoyens juifs israéliens vivent désormais ailleurs qu’en Israël, et nombre d’autres se sont procuré le passeport d’un État européen. Pour eux comme pour feu Zeev Sternhell, «en Israël pousse un racisme proche du nazisme à ses débuts[14]

[1] Selon les statistiques de l’ONU, 341 Palestiniens ont été assassinés en 2021 et 162 en 2022 jusqu’au 21 novembre.

[2] Lire Nitzan Perelman, « Discours anti-arabe et hypocrisie de la coexistence », Confluences Méditerranée 2021/4, n°119, « Israël : contradictions d’une société coloniale ».

[3] Dominique Vidal, « Une aspiration croissante à la réalité », Confluences Méditerranée 2021/4, op. cit.

[4] I24, 28 octobre 2022

[5] Cf. le site Times of Israel, 9 novembre 2022.

[6] Cf. le site Times of Israel, 21 septembre 2022.

[7] Site du Times of Israel, 21 septembre 2022.

[8] Le Monde, 3 novembre 2022.

[9] Voir Lenni Brenner, Zionism in the Age of the Dictators (Croom Helm, Londres et Canberra, 1983).

[10] Site du Times of Israel, 14 mai 2021.

[11] Site de Haaretz, 12 septembre 2022.

[12] Site du Jérusalem Post, 7 août 2019.

[13] Haaretz, 5 avril 2016.

[14] Le Monde, 18 février 2018. 

ÉDITO

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LES ANALYSES DE CONFLUENCES

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Le role d’Internet dans les élections de la constituante tunisienne

Araoud Afifa, 15 novembre 2012
Les Tunisiens ont vécu 23 ans sous la dictature de Ben Ali durant lesquels ils étaient en situation de rupture totale avec la scène politique, celle-ci étant monopolisée par le pouvoir totalitaire et le discours unique du régime révolu. Ceci a entraîné un désengagement total de la vie politique, la population étant contrainte à un suivisme obligé mettant en cause les fondamentaux de l’exercice politique. Après la chute de l’ancien régime, des bouleversements sans précédant sont survenus sur la scène politique tunisienne. A la suite d’une brève présentation du nouveau paysage politique tunisien, cet article a pour objet d’évaluer le rôle joué par Internet dans le premier scrutin libre et démocratique de l’histoire de la Tunisie.

 

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Lettre d’information de l’iReMMO