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Reconnaissance de la Palestine: la France veut «entraîner les Occidentaux»

Je crois que la reconnaissance d’un État palestinien par Emmanuel Macron est une manière de prendre position très fortement par rapport à ce qui se passe à Gaza. Cette situation est au-delà du tragique ; c’est vraiment quelque chose d’absolument inédit en Europe. Même les événements dans l’ex-Yougoslavie n’avaient pas atteint une telle dimension dramatique, notamment avec l’utilisation de la famine comme arme de guerre. Par conséquent, je pense que cette décision est une manière essentielle de rappeler le droit international. Actuellement, d’un point de vue global et avec les États-Unis en particulier, ce droit est piétiné, ce qui rend ce rappel d’autant plus important. Il est donc crucial que la France reconnaisse l’État de Palestine, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité qui préconisent deux États. À mon avis, elle aurait dû le faire il y a bien longtemps. D’ailleurs, il faut rappeler que le Parlement français – Sénat et Assemblée nationale – avait voté des résolutions en ce sens dès 2014, demandant à l’exécutif d’agir. Pourtant, François Hollande, à l’époque, ne l’avait pas fait. Enfin, pour situer l’enjeu, c’est le monde entier qui a reconnu l’État de Palestine, à l’exception de la majeure partie du monde occidental. Le fait que des pays comme l’Espagne, l’Irlande, la Slovénie ou la Suède l’aient fait récemment signifie que l’Occident est en train de bouger. Et c’est un signal très important.

Cette idée de reconnaissance était en gestation depuis des mois. La diplomatie française cherchait à rallier d’autres acteurs, comme le Canada ou la Grande-Bretagne. Aujourd’hui, ce projet est sans doute de nouveau sur la table. Je ne sais pas où en sont les discussions, mais il était clair que la France souhaitait entraîner d’autres pays au-delà des Européens. Concernant la Grande-Bretagne, c’est une possibilité. Pour l’Allemagne, j’en doute fort. Historiquement, l’Allemagne est tétanisée par le poids de sa culpabilité liée à la Shoah, ce qui limite sa marge de manœuvre. J’imagine mal que Berlin bouge dans cette direction, même si aujourd’hui tout semble possible. Quoi qu’il en soit, il est à mes yeux fondamental que la France ait franchi ce pas. En tant que grand pays en Europe et en Occident, elle montre le chemin du retour au droit, dans un monde qui le piétine dans des conditions terribles.

Aujourd’hui, l’unité du peuple palestinien paraît totalement impossible pour les raisons que vous évoquez (d’un côté, nous avons une bande de Gaza ravagée par 21 mois de guerre. De l’autre, une Cisjordanie qui fait face à une accélération de la colonisation israélienne, tandis que la Knesset a voté en faveur d’un appel à annexer complètement le territoire). J’ajouterais même que ce qui est en jeu, c’est le droit humanitaire et le droit international. Ce qui se passe à Gaza est une destruction totale et systématique d’une société. La prochaine étape, c’est le nettoyage ethnique, qui est déjà en cours. On regroupe les Palestiniens du côté de Rafah, ville qui n’existe plus, pour les expulser sous couvert d’un départ « volontaire », en les plaçant dans des conditions de vie insoutenables. Voilà où nous en sommes. D’où l’importance de dire « non » à cette pratique inacceptable qui viole les fondements du droit humanitaire et des droits humains. Cette reconnaissance est donc une manière de prendre date et de réaffirmer le droit.

Si l’on prend date pour l’avenir, il faut aussi s’occuper du présent. Cette décision fixe un cap, un objectif politique : celui d’une vraie solution à la question israélo-palestinienne. Actuellement, nous assistons à une tentative par Israël d’écraser et de liquider cette question. L’enjeu politique est donc majeur. Naturellement, derrière tout cela, il y a des rapports de force. Israël s’arc-boute sur les États-Unis, et la France sera en grande difficulté. Mais je pense que c’était le chemin qu’elle devait prendre, et je l’espère avec d’autres pays européens, ne serait-ce que pour sauver l’honneur. Car dans quelques années, on se demandera : « Comment cela a-t-il été possible ? ». En outre, je ne sais pas s’il faut craindre des représailles de la part du gouvernement israélien. Mais il est certain que ce gouvernement israélien, composé de la droite et de l’extrême droite, sera vent debout contre la France. Nous allons sans doute en pâtir un bon moment, mais qu’importe. Nous sommes dans un rapport de force, et dans ce contexte, il est essentiel de rappeler le droit et l’existence d’un bien commun de l’humanité. Il y a des choses qui ne peuvent pas se faire. Je rappelle enfin que Benyamin Netanyahou, malgré ses positions très dures, est potentiellement un criminel de guerre, visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. C’est la réalité, et il faut oser le dire.

Jean-Paul Chagnollaud, président d’honneur de l’iReMMO.

ÉDITO

ÉDITO

Israël-Palestine: pour un retour au politique

Si la première phase du cessez-le-feu initié à Gaza depuis le 19 janvier 2025 a tenu, les perspectives de mise en oeuvre de la seconde – devant permettre la libération de tous les otages restants en échange de celle de prisonniers palestiniens et le retrait total de l’armée israélienne de la bande de Gaza – semblent beaucoup plus incertaines. Comme l’est encore bien davantage l’issue de cette guerre et, plus fondamentalement, celle du conflit israélo-palestinien. Deux chemins sont possibles. L’un conduisant vers une guerre sans fin, l’autre ouvrant vers des perspectives de paix.

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LES ANALYSES DE CONFLUENCES

LES ANALYSES DE CONFLUENCES

Conférence de paix ou conférence de guerre ?

Bernard Ravenel, 5 octobre 2007
Article publié dans la revue « Pour la Palestine » N°55 septembre 2007 L’annonce le 16 juillet par le président George .W. Bush d’une « Conférence internationale pour relancer le processus de paix israélo-arabe » [2] et l’arrivée de Tony Blair au Moyen-Orient comme « émissaire de paix » du quartette ont créé l’image d’une initiative de paix qui pourrait changer la situation explosive dans la région. Une énorme couverture médiatique internationale et une profusion de rencontres diplomatiques veulent accréditer cette perspective aux yeux d’une opinion publique internationale inquiète de la situation. En réalité se profile un processus qui pourrait être le prologue, non pas de la paix mais d’une aggravation des tensions qui affligent la région. En clair, non pas un processus de paix, mais un processus de guerre…

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Lettre d’information de l’iReMMO