Croisés et sionistes

Les chroniques d’Uri Avnery, 2 septembre 2017
Il y a quelques jours, je me trouvais à Césarée assis dans un restaurant avec vue sur la mer. Les rayons du soleil dansaient sur les vaguelettes, les ruines mystérieuses de la ville ancienne s’étendant derrière moi. Il faisait très chaud, mais pas trop chaud et je pensais aux Croisés. Césarée fut construite par le roi Hérode il y a quelque 2000 ans et nommée du nom de son maître romain, César Auguste. Elle redevint une ville importante sous les Croisés qui la fortifièrent. Ces fortifications tiennent lieu aujourd’hui d’attraction touristique. Pendant des années au cours de ma vie je fus obsédé par les Croisés. La première fois pendant la ‟Guerre d’indépendance” de 1948, quand j’eus l’occasion de lire un livre sur les Croisés et que j’ai découvert qu’ils avaient occupé les mêmes lieux en face de la bande de Gaza qu’occupait mon bataillon. Il fallut aux Croisés plusieurs décennies pour conquérir la Bande qui, à l’époque, s’étendait jusqu’à Ashkelon. Aujourd’hui elle est toujours là aux mains des musulmans.

Kaya et le chien royal

Les chroniques d’Uri Avnery,  17 août 2017
LE SPECTACLE est presque bizarre : un parti politique refuse d’admettre de nouveaux membres. Et pas juste un petit nombre d’individus, mais des dizaines de milliers. Et ce n’est pas n’importe quel parti, mais le Likoud (‟Unification”), la principale force de la coalition gouvernementale d’Israël. Étrange ? Mais il y a de la méthode dans cette folie. Cela pourrait bien venir bientôt devant la haute cour d’Israël. Les leaders actuels du parti, Benjamin Nétanyahou et ses amis, ont peur que les gens qui cherchent actuellement à se faire enregistrer comme membres du Likoud ne soient en réalité des colons des territoires occupés qui veulent prendre le contrôle du Likoud, tout en restant concrètement fidèles à leurs propres partis, qui sont encore plus extrémistes.

L’oeuf de Colomb

Les chroniques d’Uri Avnery, 19 août 2017
Je ne sais pas quand la roue fut inventée ni qui l’inventa. Cependant, je ne doute pas qu’elle a été inventée encore et encore par beaucoup d’inventeurs heureux partageant la gloire. Cela est aussi vrai pour la Confédération israélo-palestinienne. Périodiquement elle apparaît au public comme une idée tout à fait nouvelle, avec un nouveau groupe d’inventeurs qui la présentent avec fierté. Ceci montre simplement que vous ne pouvez pas supprimer une bonne idée. Elle ne cesse de réapparaître. Au cours des dernières semaines elle est apparue dans plusieurs articles, présentée par de nouveaux auteurs.

Regard nostalgique

Les chroniques d’Uri Avnery, 5 août 2017
LE MONDE ENTIER regardait, le souffle coupé, alors que les jours passaient. Puis les heures. Puis les minutes. Le monde regardait tandis que le condamné, Muhammad Abu-Ali de Qalquiliya, attendait son exécution. Abu-Ali était un terroriste avéré. Il avait acheté un couteau et tué quatre membres d’une famille dans une colonie juive voisine. Il avait agi seul dans un accès de colère, après que son très cher cousin, Ahmed, eut été abattu par la police des frontières israélienne au cours d’une manifestation. Ceci est un cas imaginaire. Mais il ressemble beaucoup à ce qui arriverait si un cas réel actuellement en instance prenait ce tour.

La marche de la folie

Les chroniques d’Uri Avnery, 29 juillet 2017
MON REGRETTÉ ami Nathan Yellin-Mor, le leader politique du LEHI clandestin, m’avait dit un jour d’un politicien qu’il n’était ni un grand penseur ni un petit imbécile. Je me souviens de cette phrase, à chaque fois que je pense à Gilad Erdan, notre ministre de l’Intérieur. Sa contribution aux événements de ces dernières semaines, au cours desquelles tout le Moyen Orient a failli exploser, confirme ce jugement. D’autre part, Benjamin Nétanyahou me rappelle le proverbe ; ‟Une personne habile est celle qui sait comment se sortir d’un piège dans lequel une personne judicieuse ne serait sûrement pas tombée.”

Le problème Soros

Les chroniques d’Uri Avnery, 22 juillet 2017
GEORGE SOROS, le multimilliardaire américain, crée des tas de problèmes à Benjamin Nétanyahou. En ce moment particulièrement, Nétanyahou n’a pas besoin de problèmes supplémentaires. Une énorme affaire de corruption, concernant des sous-marins de construction allemande, s’oriente lentement et inexorablement vers lui.. Soros est un Juif hongrois, un survivant de l’Holocauste. Le parti hongrois au pouvoir a affiché son visage dans tout Budapest avec un texte qui cache mal ses intentions antisémites. La faute de Soros est de soutenir des associations de droits humains dans son son ancienne patrie. Il fait la même chose en Israël bien qu’à une bien moindre échelle. C’est pourquoi Nétanyahou ne l’aime pas non plus.

Le mot de quatre lettres

Les chroniques d’Uri Avnery, 26 juin 2017
Quand un Britannique ou un Américain parle d’un ‟mot de quatre lettres”, il évoque un mot grossier à caractère sexuel, un mot à ne pas prononcer dans une société policée. En Israël nous avons aussi un tel mot, un mot de quatre lettres. Un mot à ne pas prononcer. Ce mot c’est ‟Shalom”, paix. (En hébreu, ‟sh” est une seule lettre, et le ‟a” ne s’écrit pas.) Cela fait maintenant des années que ce mot a disparu dans les relations (sauf en guise de salutation). Tout politique sait que c’est un mot redoutable. Tout citoyen sait qu’il ne faut pas l’employer. Il y a beaucoup d’expressions pour le remplacer. ‟Accord politique”. ‟Séparation”. ‟Nous sommes ici et ils sont là”. ‟Accord régional”.

La nouvelle vague

Les chroniques d’Uri Avnery, 17 juin 2017
LORSQUE j’étais jeune il y avait une plaisanterie : ‟Il n’y en a pas deux comme toi – et c’est une bonne chose !”. La plaisanterie s’applique aujourd’hui à Donald Trump. Il est unique. Et c’est heureux, vraiment. Mais est-il unique ? Comme phénomène mondial, au moins dans le monde occidental, est-il sans parallèle ? Comme personnalité, Trump est vraiment unique. Il est extrêmement difficile d’imaginer qu’un autre pays occidental élise quelqu’un comme lui à la magistrature suprême. Mais hormis sa personnalité particulière, Trump est-il unique ? AVANT LES ÉLECTIONS AUX ÉTATS-UNIS, quelque chose s’est produit en Grande Bretagne. Le vote du Brexit.

Celui qui avoue (ses fautes) et y renonce

Les chroniques d’Uri Avnery, 10 juin 2017
DANS LE tumulte des derniers jours, à l’occasion du 50e anniversaire de l’‟unification” de Jérusalem, un article déclarait que ‟même le militant de la paix Uri Avnery” avait voté à la Knesset pour l’unification de la ville. C’est vrai. J’ai tenté d’en préciser les circonstances dans mon autobiographie, ‟Optimististe”. Mais tout le monde n’a pas lu le livre et il n’a pour l’instant été publié qu’en hébreu. Je tenterai donc d’expliquer de nouveau ce curieux vote. Expliquer, non justifier. CE MARDI-LÀ, le 27 juin 1967, deux semaines après la guerre des six jours, je ne m’étais pas levé. J’avais la grippe et Rachel, ma femme, m’avait donné beaucoup de médicaments. Soudain on m’a appelé de la Knesset pour me dire que la Chambre venait d’ouvrir un débat sur l’unification de Jérusalem, qui ne figurait pas à l’ordre du jour.

Compliments pour Diana Buttu

Les chroniques d’Uri Avnery,  3 juin 2017
IL Y A QUELQUES jours, une Palestinienne presque anonyme a reçu un honneur inhabituel. Un article en tête de la première page du journal le plus respecté au monde, le New-York Times. La rédaction définissait l’auteure, Diana Buttu, comme « une juriste et une ancienne conseillère de l’Unité de négociation de l’Organisation de libération de la Palestine ». J’ai connu Diana Buttu quand elle est apparue la première fois sur la scène palestinienne, en 2000, au début de la seconde intifada. Fille d’immigrants palestiniens qui essayaient de s’assimiler dans leur nouvelle patrie, elle est née au Canada et a reçu une bonne éducation canadienne.