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À Gaza, les contours de la paix dessinée par Trump demeurent très ambigus

TRIBUNE parue dans Le Monde  du 13 octobre 2025

L’accord sur un cessez-le-feu à Gaza qui vient d’entrer en vigueur marque un tournant décisif dans cette guerre dévastatrice et peut-être même sa fin. Il prévoit la libération de tous les otages encore retenus par le Hamas en échange de plusieurs centaines de prisonniers palestiniens et le retour tant attendu de l’aide humanitaire. C’est un immense soulagement pour les familles des otages et au-delà pour toute la société israélienne et, pour les Palestiniens de Gaza, il offre enfin l’espoir de commencer à revivre sans la crainte d’être victime, à tout instant, d’un bombardement meurtrier.

Si cette première phase du plan Trump est menée à son terme, d’autres suivront pour tenter de construire une paix dont les contours demeurent, pour le moins, très ambigus. Pour en saisir la mesure, il faut comparer sa logique avec celle d’un autre document, d’une importance majeure, initié par la France: la Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine endossée par l’Assemblée générale des Nations unies, le 12 septembre, par 142 Etats.

Des conditions différentes

Les signataires de cette Déclaration, et donc la France au premier rang, sont désormais confrontés à un sérieux défi diplomatique car ils soutiennent le plan Trump alors même que les principes de leur initiative onusienne pour le jour d’après sont éloignées de celles du document américain.

Le plan Trump ignore toute référence au droit international et aux Nations unies (sauf pour la distribution de l’aide), récuse toute véritable participation des Palestiniens à la gouvernance, «oublie» la Cisjordanie où Washington soutient à fond la colonisation et ne fait qu’évoquer un Etat palestinien en des termes si vagues que cela revient à l’enterrer comme le veut Netanyahou. A l’inverse, la Déclaration de New York s’inscrit pleinement dans le cadre de la Charte des Nations unies, plaide pour que les Palestiniens (hors Hamas) jouent un rôle politique central et fait référence au territoire de la Palestine dans la perspective de la solution à deux Etats.

Paris est déterminé à maintenir cette dynamique qu’il a impulsée à partir de sa reconnaissance de l’Etat de Palestine et a commencé à le faire dès le 9 octobre en réunissant des représentants des pays arabes et européens, pour «enrichir» le plan Trump et «appuyer» sa mise en œuvre. Les Etats-Unis n’ont pas participé à cette discussion tandis que Gideon Saar, ministre israélien des Affaires étrangères, l’a jugée «superflue et préjudiciable.»

Si le cessez-le-feu est vraiment consolidé, le plan de Washington prévoit de traiter aussitôt de la question des armes. Le Hamas doit s’engager à se défaire des siennes dans le cadre d’une totale démilitarisation (tunnels et unités de production inclus). À ce jour, il n’en encore a rien dit. Comme il ne peut considérer sa reddition comme une option, ce point crucial va s’avérer très délicat. Dans la logique de la Déclaration de New York qui veut donner une place centrale aux Palestiniens, le Hamas pourrait les remettre à une instance palestinienne mais, dans le plan Trump, il n’y a rien de tel. De son côté, l’armée israélienne qui a commencé à se redéployer doit se retirer, par étapes, de tout le territoire sans pour autant être contrainte par un calendrier. Le texte précise qu’elle se repliera «à mesure que la force de stabilisation internationale établira son contrôle sur le territoire», ce qui lui laisse une certaine marge de manœuvre.

Les deux textes se rejoignent sur la nécessité de cette intervention internationale mais dans des conditions bien différentes. Pour Trump, c’est aux États-Unis de «travailler avec ses partenaires» pour créer cette «force internationale de stabilisation temporaire.» Pour le groupe de Paris, il s’agit d’une mission internationale qui doit avoir un mandat du Conseil de sécurité et agir «dans le respect des principes des Nations Unies.»  Elle fournirait une «protection à la population civile palestinienne, appuierait le transfert des responsabilités en matière de sécurité intérieure à lAutorité palestinienne et soutiendrait le renforcement des capacités de l’État palestinien ». Ce qui n’est, à ce stade, aucunement prévu par le plan Trump.

Pour assurer la gouvernance du territoire dans la période de transition, le plan américain prévoit un «comité palestinien technocratique et apolitique» sous le contrôle « d’un conseil de la Paix» présidé par Trump avec peut-être Tony Blair qui lui-même a concocté un projet de quasi tutelle qui fait penser à une résurgence du mandat britannique de 1922 sur la Palestine. La Déclaration prévoit, à l’inverse, que les Palestiniens auront le rôle décisionnaire.

Si on se projette dans la phase de reconstruction et du développement économique, le grand écart entre les deux approches se creuse encore plus. Le plan américain prévoit pour Gaza une zone économique spéciale avec des droits de douane préférentiels tandis que la politique économique serait conçue par un panel d’experts où l’on pourrait retrouver des personnages comme Jared Kushner et quelques autres profils évoqués dans le document de Tony Blair. Au contraire, le texte de New York laisse aux Palestiniens cette responsabilité, prélude à leur souveraineté, en affirmant que ses signataires sont prêts à promouvoir le développement économique de la Palestine sans oublier de critiquer toutes les restrictions imposées par la puissance occupante à l’économie palestinienne.

Il semble bien que Donald Trump veuille ainsi créer «un nouveau Gaza entièrement dédié à la construction d’une économie prospère» en séparant son destin de celui de la Cisjordanie abandonnée à une violente colonisation qu’il approuve sans réserve tandis que la France et ses partenaires essaient de redonner un horizon politique sur la base de la solution à deux États. Ce conflit se trouve donc, une fois encore, à la croisée des chemins.

Les prochains mois vont être déterminants car les décisions qui seront bientôt prises sur les armes, la sécurité et la gouvernance à Gaza peuvent ouvrir de belles perspectives pour l’avenir des Palestiniens ou, au contraire, l’oblitérer pour très longtemps.

ÉDITO

ÉDITO

À Gaza, les contours de la paix dessinée par Trump demeurent très ambigus

12 octobre 2025

TRIBUNE parue dans Le Monde  du 13 octobre 2025

Le plan de paix de Trump pour Gaza laisse peu de place aux Palestiniens pour déterminer leur avenir. La «déclaration de New York», portée par la France, suit une autre logique et entend redonner un horizon politique à la région sur la base de la solution à deux États.

Jean-Paul Chagnollaud, président d’honneur de l’iReMMO

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LES ANALYSES DE CONFLUENCES

LES ANALYSES DE CONFLUENCES

L’islamisme algérien, vingt ans après

Séverine Labat, 18 novembre 2008
Vingt ans après l’irruption de l’islamisme et des islamistes dans l’espace public algérien, à la faveur de ce qui est désigné – sous réserves d’éclairages plus informés – comme les « émeutes d’octobre », quelle lecture peut-on faire aujourd’hui de la séquence islamiste des années 1988-2008 ? Faut-il tenir que l’hypothèse d’une alternative islamiste au régime autoritaire en place depuis l’été 1962 est définitivement révolue ? La récurrence de la violence terroriste – qui interpelle aussi la politique dite de « réconciliation nationale et de paix » conduite par le régime -, renvoie-t-elle finalement à la nature et aux visées mêmes de l’islamisme algérien ?

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Lettre d’information de l’iReMMO