Le retour irakien de la France : facteurs et perspectives

14 septembre 2020

Depuis fin 2017, moment de l’annonce de la défaite territoriale du Califat en Irak, la France met en évidence son intérêt pour une présence massive, forte et durable dans ce pays. Pour cela, la diplomatie française développe tout un discours sur l’Irak en tant que « pôle de stabilité » ou encore l’Irak en tant que « pivot du Moyen-Orient ».

En 2003, la France refuse catégoriquement de participer à la coalition dirigée par les États-Unis d’Amérique pour attaquer l’Irak de Saddam Hussein. De ce fait, la France a été relativement exclue de la gestion des différentes problématiques du pays. Cependant, la naissance du Califat en 2014, sa défaite en 2017, l’hypothèse de son retour en force en 2020, le désengagement des États-Unis d’Amérique, la montée en force des organisations miliciennes, la reconstruction en panne et l’offensive militaire turque dans le Nord font naître de sérieuses inquiétudes. C’est pourquoi le président français Emmanuel Macron souhaite se réengager de manière forte sur la scène irakienne.

Le départ du « Big Brother »

L’Irak de 2020 n’est certainement pas celui de 2003 ! Auparavant, la politique américaine était celle d’un nouvel Irak démocratique et d’une nouvelle nation irakienne entendu comme modèle pour le Moyen-Orient. Aujourd’hui, le passage à une politique d’instrumentalisation de l’Irak et son utilisation comme carte de pression contre la République Islamique de l’Iran est un fait aussi déplorable que l’occupation du pays en 2003.

Le désengagement du « Big Brother » américain, brutal et unilatéral, jette l’Irak dans un vide sécuritaire qui pourrait devenir une source majeure de déstabilisation, non seulement d’un pays aussi important que l’Irak, mais aussi des pays du système régional et international. La France d’Emmanuel Macron a vocation à mobiliser ses possibilités sur les fronts diplomatique, financier, militaire et même culturel pour empêcher qu’un tel vide s’installe et que l’Irak entre dans un processus d’implosion. Elle souhaite, au contraire, que l’Irak devienne un pôle de stabilité dans un Moyen-Orient en cours de désagrégation.

La renaissance du monstre !

Le 9 décembre 2017, Haider al-Abadi, l’ancien Premier ministre irakien, déclare que les forces irakiennes contrôlent « complètement la frontière irako-syrienne » et de ce fait il annonce « la fin de la guerre contre Daech ». Or, en septembre 2020, la France constate que l’Organisation de l’État Islamique, « connue sous l’acronyme de Daech », conduit plusieurs opérations d’envergure simultanées dans plusieurs provinces irakiennes.

Attentats-suicides, enlèvements, prises d’otages, voitures piégées, opérations contre les forces de sécurité, attaque contre les institutions de l’Etat… Les provinces d’al-Anbar, de Ninive, de Salah ad-Dîn, de Kirkuk et de Diyala sont transformées en un champ de bataille quotidien entre les djihadistes de Daech et les forces de l’Etat irakien.

Ce retour en force de Daech est considéré par l’Élysée comme un facteur de motivation majeur de l’engagement de la France en Irak. Pour la diplomatie française, la sécurité de Paris passe par la sécurité de Bagdad. Un Irak contrôlé par Daech, c’est une France exposée au terrorisme. De ce fait, le premier combat de la France doit se trouver là où Daech organise son retour.

L’offensive turque dans le Nord

Cependant, l’ombre de la nouvelle conflictualité entre Paris et Ankara, entre Macron et Erdogan, se trouve au cœur de la nouvelle politique française de l’Irak. En effet, depuis plusieurs semaines, la Turquie d’Erdogan a lancé une offensive de grande envergure, nommée « Griffes du tigre », dans le Nord de l’Irak. L’armée turque s’est installée dans trente-cinq bases militaires, au moins, à l’intérieur de l’Irak.

Bien que nous n’ayons pas de chiffres officiels de la part d’Ankara, les opérations aériennes devenues quotidiennes, le déploiement des forces spéciales au sol, l’engagement du combat sur plusieurs fronts, l’élargissement de l’intervention aérienne de plus de 150 km pour bombarder les positions du PKK de Sinjar à la province de Mossoul, démontrent que la détermination de la Turquie d’Erdogan est sans faille dans cette nouvelle phase de guerre contre le PKK sur le sol irakien.

Avec son soutien à la « souveraineté de l’Irak » face aux « ingérences étrangères » – un droit reconnu internationalement – et sa volonté de mobiliser l’organisation des Nations-Unies, le président Macron souhaite s’opposer à l’offensive turque et s’imposer au président Erdogan, avec qui la rupture est probablement consommée.

La France peut-elle réussir seule à accompagner l’Irak dans sa stabilisation et sa sécurisation ? L’objectif est noble, mais les marges de manœuvre sont fortement limitées. Pour nous, sans un projet sérieux d’inclusion politique, sociale et économique des Irakiens de la part des nouvelles élites au pouvoir depuis 2003, il est fort probable que la descente aux enfers de l’Irak continuera, sans que les initiatives d’une puissance de la communauté internationale puissent stopper sa chute.

Adel Bakawan.

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« Pour que le sionisme réussisse, confiait Benito Mussolini en 1935, il vous faut un État juif, avec un drapeau juif et une langue juive. La personne qui comprend vraiment cela, c’est votre fasciste, Jabotinsky ». Scissionniste, ce dernier avait créé dix ans plus tôt le « sionisme révisionniste », opposé à David Ben Gourion : il voulait s’emparer par la force de toute la Palestine pour créer un État juif des deux côtés du Jourdain. Ce programme ne semblait pourtant pas assez radical à une petite aile du mouvement, qui prit le nom de « birionim » : « voyous », en hébreu. Ceux-ci saluèrent même l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler. L’un de ces birionim s’appelait Benzion Netanyahou, le père de Benyamin.

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