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«La dignité n’a pas de prix»: 5 millions de Palestiniens otages de Trump

Imaginons : le 1er mai prochain, en France, toutes les écoles, les hôpitaux, les centres d’aide sociale ferment brutalement, jusqu’au 31 décembre 2018. Il n’y a plus de fonds pour les faire fonctionner. Impensable ! En France, oui. Mais ce désastre est sur le point de se réaliser pour les 5 millions de Palestiniens qui vivent en Jordanie, au Liban, en Syrie, à Gaza, en Cisjordanie occupée, privés de leur pays depuis 1948 et qui sont les bénéficiaires de la protection de l’organisme d’aide humanitaire, UNRWA (« United Nations Relief and Works Agency » pour les Palestiniens réfugiés au Proche-Orient).

Depuis 70 ans, les États organisés dans le cadre de l’ONU ont renouvelé à l’UNRWA le mandat de protection des Palestiniens réfugiés et lui ont donné les moyens de fonctionner par leurs contributions volontaires. Des millions d’enfants ont été scolarisés, les soins et la distribution de nourriture aux plus démunis ont été ainsi assurés. En fait l’UNRWA remplit des fonctions fondamentales d’un État au profit des Palestiniens réfugiés : l’éducation, la santé, l’aide sociale.

Or, cette agence de l’ONU vient d’être privée de ses moyens de fonctionner par une décision cynique et brutale de Donald Trump qui prend l’UNRWA et ses 5 millions d’administrés en otage : il supprime d’un trait de plume 300 millions de dollars de contribution des États-Unis à l’UNRWA sur les 364 prévus, pour contraindre Mahmoud Abbas à accepter un plan de paix israélo-palestinien, dont la teneur reste floue et incertaine, en dehors de la reconnaissance par les USA de Jérusalem comme capitale d’Israël, au mépris du droit international.

Ni les Palestiniens réfugiés, ni l’UNRWA n’ont la moindre capacité d’influence sur ce coup de force diplomatique. Nous, Français et Européens, devons nous élever avec force contre un tel mépris des règles de droit et de la morale et répondre à l’appel du commissaire général de l’UNRWA Pierre Krähenbühl pour la campagne « La dignité n’a pas de prix ». Dans cette même lancée pour répondre à la crise actuelle, une conférence s’est tenue jeudi 15 mars à Rome, à l’appel de la Jordanie, de l’Égypte et de la Suède, réunissant plus de 90 pays donateurs. Jean-Yves le Drian y a annoncé une augmentation de 2 millions d’euros de la participation française, qui passe ainsi à 10 millions d’euros. C’est insuffisant, quand la Suède en donne 60 millions, et que la totalité des pays de l’Union européenne contribue pour moitié aux dépenses de l’agence onusienne. Néanmoins, l’UNRWA a annoncé à l’issue de la conférence que le montant total des contributions additionnelles annoncées représente environ 100 millions de dollars, un premier pas vers la réduction du déficit causé par le retrait américain. Mais il manque encore 200 millions de dollars pour compenser le défaut américain et 146 millions de dollars de plus qui correspondent au déficit prévu du budget 2018 de l’UNWRA. Nous sommes encore loin du compte.

Or, actuellement, dans un Moyen-Orient en crise, l’UNRWA est la colonne vertébrale de 5 millions de Palestiniens privés d’Etat. Elle assure le pain quotidien à la majorité des réfugiés de Gaza, soumis depuis dix ans au blocus israélien et égyptien. Elle scolarise 525 000 élèves dont 270 000 à Gaza. Elle le fait au risque de la vie de ses agents, comme en Syrie. Elle sauve les Palestiniens réfugiés du désespoir absolu.

Et c’est bien le désespoir qui menace. La moitié des Palestiniens réfugiés ont moins de 20 ans. Depuis 1993 on leur a vanté les vertus de la négociation dans le cadre du processus d’Oslo. Cela a été un échec et, pour eux, l’aggravation constante de leurs conditions de vie, la disparition de tout horizon personnel et politique. Aujourd’hui, le désespoir pourrait engendrer l’extrémisme : en affaiblissant l’UNRWA c’est bien l’extrémisme que Trump renforce pour le plus grand malheur des Palestiniens, des peuples du Moyen-Orient et de l’Europe.

Alors soutenons vigoureusement la campagne « La dignité n’a pas de prix », lancée par le commissaire général de l’UNRWA. Pour les Palestiniens, la dignité n’a pas de prix. Mobilisons-nous, il y va de notre propre dignité.

 

Paris, le 16 mars 2018

 

Bureau de l’iReMMO

Jean-Paul Chagnollaud, président de l’Institut de recherches et d’études Méditerranée Moyen-Orient, Monique Cerisier-Ben Guiga, sénatrice honoraire, vice-présidente de l’iReMMOAgnès Levallois, consultantesénatrice honoraire, vice-présidente de l’iReMMOGéraud de la Pradelle, professeur émérite des universités et juriste international, Dominique Vidal, journaliste et historien, René Backmann, journaliste, Giovanna Tanzarella, vice-présidente du Réseau Euromed France, responsable des Universités populaires, et Estelle Brack, économiste.

ÉDITO

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Israël-Palestine: pour un retour au politique

Si la première phase du cessez-le-feu initié à Gaza depuis le 19 janvier 2025 a tenu, les perspectives de mise en oeuvre de la seconde – devant permettre la libération de tous les otages restants en échange de celle de prisonniers palestiniens et le retrait total de l’armée israélienne de la bande de Gaza – semblent beaucoup plus incertaines. Comme l’est encore bien davantage l’issue de cette guerre et, plus fondamentalement, celle du conflit israélo-palestinien. Deux chemins sont possibles. L’un conduisant vers une guerre sans fin, l’autre ouvrant vers des perspectives de paix.

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Et pendant ce temps en Israël

Uri Avnery, 20 mai 2011
Depuis des années, Uri Avnery [2] écrit chaque semaine une chronique en rapport avec la vie politique et sociale de son pays (les grands événements comme les incidents qu’il trouve significatifs) et les actions du mouvement dont il est le fondateur le plus connu, Gush Shalom (le Bloc de la paix). Ces articles, écrits en hébreu et en anglais, s’adressent essentiellement à ses compatriotes israéliens. Mais ils sont de plus en plus diffusés et repris à l’étranger, en anglais, en arabe, en allemand, en français, par internet et dans des revues politiques ou associatives de nombreux pays à travers le monde. Ci-dessous nous publions de larges extraits de trois de ces chroniques qui donnent le point de vue de l’auteur mais aussi une idée de la réaction israélienne (gouvernement et société) aux révolutions arabes.

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Lettre d’information de l’iReMMO