L’expression orale, entendue, relève d’un traitement différent de celui que nous appliquons au texte fixé par écrit sur un support visible. La parole, contrairement à l’écriture, ne se soumet pas à un schéma linéaire et visuel, comme ont tendance à le présenter la plupart des spécialistes des textes sacrés, et notamment ceux du Coran dans le monde arabo-musulman, traducteurs et chercheurs contemporains compris. Elle est de ce fait ouverte sur plusieurs directions, sans que s’impose pour autant celle qui conduit insensiblement à la mise par écrit. Il est d’ailleurs difficile de trouver, chez la plupart de ces spécialistes, une appréciation de l’oralité comme réalité linguistique à part entière. Pour diverses raisons, ils se sont souvent sentis liés par la tradition musulmane qui relève d’un moment d’écriture. Or, un des principes fondateurs est que lorsque cette parole a été prononcée pour la première fois, elle a dû être saisie dans son immédiateté. Les auditeurs de Muhammad n’avaient pas besoin d’exégètes ni d’autres savants pour comprendre ce qu’il exprimait.
Abdellatif Idrissi est enseignant chercheur à l’université Paul-Valéry Montpellier III et à l’Académie des langues anciennes ; il est chercheur associé au centre Paul-Albert Février. Il s’intéresse à la fois aux croyances et aux mentalités de l’Arabie préislamique et des débuts de l’islam, aux textes fondateurs de l’islam et à ceux des débuts de l’historiographie (arabo-musulmane) médiévale.