Le 25 janvier 2011, une partie de la jeunesse égyptienne se mobilise pour abattre le régime politique en place depuis plus d’un demi-siècle, à l’exemple de la révolution tunisienne démarrée un mois plus tôt. Au Caire comme à Tunis, ce soulèvement qui entraîne derrière lui de larges couches de la population urbaine est vite qualifié de révolution. Qu’en est-il réellement, que recouvre ce terme dont la sémantique varie selon les groupes qui s’en réclament ou qui s’y rallient de manière parfois opportuniste ?
Derrière la revendication démocratique largement partagée, quels sont les défis qui se posent à la société égyptienne et qui expliquent sa mobilisation en masse ?
À l’heure où les observateurs, sur place et à l’étranger, s’étonnent et souvent s’inquiètent de la tournure prise par la scène politique égyptienne, avec l’émergence de nouveaux acteurs dominants prônant des ruptures radicales, il est grand temps de se pencher sur les maux de l’égypte, sur les conditions de vie de sa population, et sur sa capacité à engager le redressement espéré, dans un cadre moral et culturel profondément enraciné.
Marc Lavergne est géopolitologue, directeur de recherche au CNRS. Auteur en 1980 d’une thèse de géographie sur « L’agriculture égyptienne dix ans après l’achèvement du haut barrage d’Assouan », c’est un expert reconnu des situations de crise et des conflits du Moyen-Orient et de la Corne de l’Afrique. Chercheur au Groupe de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient contemporain (GREMMO) à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée (Université Lyon-II), il a dirigé le Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales (CEDEJ) au Caire du printemps 2008 à l’automne 2011.