Couper la poire en deux : c’est ce qu’a fait, ce mardi, la Cour de Jérusalem. Elle a annulé les six mois de détention administrative infligés par le ministre israélien de La Défense Avigdor Lieberman au Franco-Palestinien Salah Hamouri. Mais elle « réactive » – du jamais vu ! – le reliquat de trois mois qui lui restaient à purger lors de sa libération ([i]), en décembre 2011, dans le cadre de l’échange d’un millier de prisonniers palestiniens contre le soldat franco-israélien Gilad Shalit.
Rien, de surcroît, ne garantit que cette peine ne sera pas allongée : d’une part, le procureur a fait appel de la décision ; et, d’autre part, la détention administrative peut par définition être renouvelée sans limite et sans jugement. Sur les quelque 6.000 prisonniers palestiniens d’Israël, près de 500 subissent d’ailleurs ce déni de justice.
Il y a neuf ans, Salah Hamouri avait fait l’objet d’un procès, après trois ans de détention administrative. Mais un procès bidon : à défaut de la moindre preuve, les juges l’avaient condamné sur la base de faux aveux, conformément au système anglo-saxon du « plaider coupable » : celui-ci lui permettait, en l’occurrence, de réduire sa peine de 14 ans à 7 ans. Et pourtant il avait toujours nié d’emblée les inventions de ses accusateurs sur son appartenance au Front de libération de la Palestine (FPLP), illégal en Israël, et sur son intention d’assassiner le grand rabbin séfarade de l’époque, le nonagénaire Ovadia Yossef – un projet de toute évidence absurde.
Comme si ces sept ans passés derrière les barreaux pour rien ne suffisaient pas, la « justice » israélienne renvoie notre compatriote en prison ! Mais pourquoi ?
La première raison, c’est le harcèlement personnel, comme le confirme l’interdiction faite depuis janvier 2016 à son épouse, enceinte, de séjourner en Israël et en Palestine, malgré le « visa de service » dont elle disposait en tant que membre d’une organisation consulaire. Séparé de sa femme, le jeune homme l’est aussi de l’enfant qu’entre-temps il a eu avec elle. C’est que Salah Hamouri incarne le profil résistant que les autorités d’occupation détestent : au lieu de couler des jours tranquilles à Paris avec les siens, il s’obstine à vivre à Jérusalem, où il a mené à bien ses études de droit et vient de devenir avocat.
La deuxième raison est liée à l’évolution politique d’Israël. Depuis les élections de mars 2015, le gouvernement regroupe toutes les forces de droite et d’extrême droite, formant l’exécutif le plus ultranationaliste qu’ait jamais connu le pays. Unie pour écarter toute négociation sur la base du droit international, cette coalition accélère la colonisation et envisage même d’annexer les territoires palestiniens occupés depuis cinquante ans. Et elle s’est dotée d’un arsenal législatif liberticide pour étouffer toute opposition radicale à son cours guerrier.
C’est dans ce contexte inédit que – troisième raison – l’épée de Damoclès des scandales de corruption se rapproche dangereusement de la tête du Premier ministre Benyamin Netanyahou, excitant les appétits de pouvoir de ses alliés et rivaux, en premier lieu Naftali Bennett et Avigdor Lieberman. Et ces rivalités s’expriment dans une surenchère extrémiste, dont le harcèlement de Salah Hamouri pourrait être le dernier exemple en date.
Dernière raison, sans nul doute majeure : le nouvel embastillement de Salah Hamouri représente un véritable défi lancé à Emmanuel Macron. Le président de la République est mal payé du cadeau exorbitant qu’il a fait le 16 juillet dernier à son « cher Bibi » – sic – dans son discours à la commémoration du 75e anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv, en assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme.
L’Élysée ne pourra pas garder durablement le silence face à la persécution dont est victime notre compatriote : même Nicolas Sarkozy intervint en sa faveur, en demandant « un geste de clémence » à Benyamin Netanyahou ([ii]). Ce dernier ayant refusé (sèchement) dans un premier temps, l’ambassadeur de France en Israël à l’époque, Christophe Bigot, se mobilisa pour Salah Hamouri, allant jusqu’à rencontrer le rabbin Ovadia Yossef afin d’obtenir son accord. Difficile pour Emmanuel Macron de faire moins, sauf à placer le quinquennat commençant sous le signe de l’alignement sur Israël.
([i]) L’existence de ce reliquat a d’ores et déjà empêché Salah Hamouri, libéré en décembre 2011, de quitter le pays avant trois mois.