Le mois dernier, s’est tenue à Paris une conférence internationale pour rappeler l’importance cruciale de la solution à deux Etats, seule formule possible pour arriver à une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens. Cette initiative diplomatique est intervenue trois semaines après le vote, le 23 décembre, grâce à l’abstention américaine, d’une importante résolution du Conseil de sécurité des Nations unies rappelant fermement le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la force et demandant à Israël «d’arrêter immédiatement et complètement la colonisation».
C’est peu dire que le gouvernement israélien, arc-bouté sur les positions de l’extrême droite, n’a tenu aucun compte de ces rappels au droit international. Après les avoir critiqués, il a aussitôt annoncé de nouvelles constructions de colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Avec l’entrée en fonction du nouveau président des Etats-Unis, Donald Trump, il se sent plus que jamais en position de force et se permet donc désormais d’énoncer ouvertement ses véritables objectifs qui consistent à intensifier partout la colonisation et bientôt à procéder à l’annexion unilatérale d’une grande partie de la Cisjordanie. La loi adoptée par la Knesset en première lecture, le 5 décembre, constitue une des étapes majeures de cette politique puisqu’elle autorise, pour la première fois, l’appropriation de terres privées palestiniennes et permet ainsi l’annexion des «avant-postes», ces colonies que même les autorités israéliennes jugeaient jusqu’ici illégales. Dans un tel contexte, si Donald Trump met à exécution son engagement de transférer l’ambassade américaine à Jérusalem, tout sera en place pour que le conflit israélo-palestinien s’embrase à nouveau sous des formes sans doute encore imprévisibles. D’autant que ce geste unilatéral de Washington, violant le droit international, constituerait une provocation pour les communautés chrétienne et musulmane.
Nous sommes sans doute à la croisée des chemins. Ce conflit ressemble de plus en plus à une confrontation coloniale d’un autre âge avec une puissance occupante qui se comporte ouvertement en puissance coloniale avec toutes les dimensions que cela implique : l’accaparement de terres qui dépossède chaque jour davantage les Palestiniens, l’utilisation disproportionnée de la force pour réprimer toute forme de résistance aussitôt qualifiée de terrorisme, la mise en place d’un système de discriminations au profit exclusif des colons israéliens et une construction idéologique qui ravale l’Autre au rang d’un être sans droits.
La «communauté internationale» est parfaitement consciente de l’extrême gravité de la situation, comme en témoignent les deux initiatives qu’on vient de rappeler. Le problème est que la diplomatie déclamatoire s’avère radicalement insuffisante lorsqu’elle est face à des acteurs qui, enfermés dans leur dogmatisme idéologique, sont prêts à tout pour réaliser leurs objectifs politiques.
La question centrale et urgente est donc de savoir comment assurer le suivi de la Conférence de Paris et comment faire en sorte que les dispositions de la résolution onusienne du 23 décembre soient prises en compte ?
Si aucune réponse concrète n’est donnée à cette question, il faut s’attendre à de nouvelles explosions de violence qui risquent d’aggraver encore la déstabilisation de la région avec l’ouverture de nouveaux fronts qui ne manqueront pas d’avoir de graves conséquences bien au-delà du Moyen-Orient.
Les signataires sont :
Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités, président de l’iReMMO et directeur de la revue Confluences Méditerranée, Dominique Vidal journaliste et historien, Yves Aubin de La Messuzière ancien ambassadeur, René Backmann journaliste, chroniqueur à Mediapart, Monique Cerisier-ben Guiga sénatrice honoraire, vice-présidente de l’iReMMO, Géraud de La Pradelle juriste, agrégé de droit, professeur émérite des universités, Agnès Levallois consultante spécialiste du Moyen-Orient, vice-présidente de l’iReMMO, Bruno Pequignot professeur et directeur de l’UFR Arts et médias de l’université Paris-III-Sorbonne-Nouvelle, Patrick Renauld ancien diplomate de l’Union européenne, Giovanna Tanzarella, vice-présidente du réseau Euromed France.
Tribune parue dans Libération le 7 février 2017