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Le dernier acte de la tragédie syrienne est sans doute en train de se clore, mais il est encore temps d’agir avec force sur le plan diplomatique. Il faut en avoir la volonté politique, estiment les chercheurs de l’Institut de recherche et d’études méditerranée Moyen-Orient.

 

 

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C’était au mois d’août 2012. La situation en Syrie est déjà terrible avec des dizaines de milliers de morts consécutifs aux bombardements systématiques de la population civile par les avions et les hélicoptères de Bachar al-Assad. La Russie et la Chine bloquent toute initiative du Conseil de sécurité. Les Occidentaux tergiversent, hésitent à prendre le moindre risque et se contentent de quelques déclarations vite oubliées dans le fracas des armes que, par ailleurs, ils refusent d’envoyer à l’opposition syrienne…

A ce moment, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, qui s’alarme de ces massacres que la «communauté internationale» laisse perpétrer, est à Srebrenica, en Bosnie, où les troupes serbes avaient en 1995 assassiné 8 000 hommes arrêtés sous les yeux d’un contingent de Casques bleus réduit au rôle de spectateur passif, si ce n’est de complice. Très ému, il prononce alors un discours devant le Parlement bosniaque où il reconnaît que «les Nations unies n’ont pas été à la hauteur de leurs responsabilités… La communauté internationale a échoué à empêcher le génocide de Srebrenica, qui résonne comme l’un des chapitres les plus noirs de l’histoire moderne». Revenant sur la situation de la Syrie, il termine en disant: «Je ne veux pas voir un de mes successeurs venir en Syrie, dans vingt ans, demander pardon de ne pas avoir fait ce que nous aurions dû faire pour protéger les civils syriens.»

Quatre ans plus tard, avec près de 300 000 morts et des millions de réfugiés et de déplacés, la situation dans ce pays déchiré est encore plus tragique. Le siège d’Alep qui prend au piège des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, les affamant et les privant des soins les plus élémentaires, est comme le point d’orgue de cette tragédie toujours recommencée dans l’impuissance et l’indifférence de la «communauté internationale».

Il a été rendu possible parce que les Occidentaux ont, dès le début, refuser de s’engager vraiment pour pouvoir, le moment venu, peser sur le cours des choses. Les Etats-Unis ont laissé faire, au point d’oublier leurs propres engagements, tout particulièrement en août 2013 lorsqu’à la dernière minute ils ont renoncé à intervenir militairement après que le régime a utilisé des armes chimiques, action pourtant considérée par Barack Obama comme une «ligne rouge». Non seulement ce brutal revirement a conforté Damas dans sa volonté d’écraser sa propre population dès lors qu’elle ne lui est pas soumise, mais, de plus, il lui a permis de reconstituer d’autres stocks d’armes chimiques qu’il a, selon un récent rapport de l’OIAC, utilisées à plusieurs reprises ces derniers mois. Le Royaume-Uni a lui aussi abdiqué. Avec le Brexit et peut-être demain la sécession de l’Ecosse, Londres, qui fut si longtemps un acteur majeur des relations internationales risque de disparaître de la scène mondiale.

Quant à la France, qui n’a jamais su ou jamais pu se donner les moyens de sa politique à l’égard du dictateur syrien dont elle exigeait le départ, elle est aujourd’hui complètement dépassée. Seul le ministre des Affaires étrangères essaie encore de parler tandis que les deux têtes de l’exécutif se taisent, empêtrés dans leur petit jeu de positionnement pour la prochaine élection présidentielle. Comme si nos dérisoires enjeux politiciens étaient bien plus importants que la tragédie qui se noue en ce moment à Alep. Quant à l’Union européenne, en tant que telle, c’est un requiem pour une disparition annoncée. Elle a été incapable d’agir ou même de réagir sans jamais comprendre que ce qui se passait là-bas la concernait directement. D’où sa misérable réaction de panique lorsque les premiers réfugiés sont arrivés sur son sol à l’exception, il faut le souligner, du président de la Commission et de la chancelière allemande.

 

 Ces attitudes sont d’autant plus problématiques qu’il ne s’agit pas seulement d’un moment parmi d’autres. Ce qui se passe là-bas risque d’avoir de lourdes conséquences à terme sur le plan régional et international. Après Alep, les rapports de force diplomatiques au Moyen-Orient vont s’établir durablement en faveur de la Russie et de l’Iran, qui sont les vrais vainqueurs de cette confrontation. Ce sont bien les milices iraniennes et les combattants du Hezbollah qui sont sur le terrain pour soutenir l’armée syrienne, qui ne serait rien sans eux et encore moins sans l’appui massif de la Russie, tout particulièrement depuis septembre 2015. Vladimir Poutine est en train de réussir son pari de redonner à Moscou toute sa place sur l’échiquier mondial. Quoi qu’on puisse penser de sa politique, il a fait preuve d’une détermination sans faille rendue évidemment plus facile par les atermoiements, la lâcheté et le recul des Occidentaux qui n’ont jamais su définir une ligne politique forte et cohérente. Nul doute que Poutine va bientôt accepter ou encourager un nouveau cycle de négociations sur la Syrie à Genève ou ailleurs puisque, désormais, il est en situation d’imposer ses vues…

Même si le dernier acte de cette tragédie est sans doute en train de se clore, il est encore temps d’agir avec force sur le plan diplomatique. Il suffit d’en avoir la volonté politique surtout pour sauver les dizaines de milliers de civils encerclés par les forces du régime qui n’hésiteront pas à se livrer aux représailles les plus terribles contre tous ceux qui ont osé leur résister. Bachar al-Assad veut une victoire totale. Il n’épargnera rien ni personne. Sa stratégie est bien celle de l’extermination de toute opposition. Quand le responsable des opérations humanitaires des Nations unies dit que Alep-Est risque de «devenir un gigantesque cimetière», il faut le croire. L’urgence absolue est là. La France a saisi le Conseil de sécurité. C’est une des dernières chances pour la «communauté internationale» de ne pas se laisser emporter par une barbarie qui, si elle n’est pas stoppée, pourrait se répandre partout.

 

 

Tous les signataires sont membre du bureau de l’iReMMO

 

Monique Cerisier-ben Guiga, sénatrice PS représentant les Français établis hors de France, Jean-Paul Chagnollaud, Professeur des universités et président de l’Institut de Recherche et d’Études Méditerranée Moyen­ Orient, Agnès Levallois, consultante, journaliste indépendanteGéraud de La Pradelle, professeur émérite des universités, juriste internationalRené Backmann, journalisteGiovanna Tanzarella, membre du bureau de l’iReMMO, Dominique Vidal, journaliste et historien, responsable des Midis de l’iReMMO. 

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