Vendredi 24 novembre – 12h30-14h
Rencontre avec :
Hamit Bozarslan, docteur en histoire et en sciences politiques, directeur d’études à l’EHESS. Il a également codirigé l’IISMM (Institut d’études de l’islam et des sociétés du monde musulman) entre 2002 et 2008. Ses recherches actuelles portent sur l’histoire de la Turquie contemporaine, la question kurde et les questions minoritaires au Moyen-Orient, et l’histoire et la sociologie de la violence au Moyen-Orient. Auteur notamment de Histoire de la Turquie : De l’Empire à nos jours (Editions Tallandier, 2015), Conflit kurde : Le brasier oublié du Moyen-Orient (Autrement, 2009), Une histoire de la violence au Moyen-Orient (La découverte, 2008). Il a également dirigé le n°8 de la revue Anatoli sur le thème : Les Kurdes : puissance montante au Moyen-Orient ?.
Modération : Dominique Vidal, journaliste et historien.
Présentation du numéro 8 de la revue Anatoli : « Les Kurdes : puissance montante au Moyen-Orient ? »
Ce numéro s’intéresse à la question kurde, dont la population est répartie sur les territoires turc, iranien, irakien et syrien. La « cause kurde », exprimée pacifiquement ou par le recours à la lutte armée, consiste à faire accepter le groupe kurde comme un sujet à part entière de l’histoire, décidant lui-même de son statut juridique, administratif et politique. Les événements récents au Moyen-Orient ont eu pour conséquence l’affaiblissement de Bagdad et de Damas, et l’effacement de la frontière qui sépare les Kurdes irakiens et syriens. Mais l’Iran et la Turquie comptent bien contrôler et rester des acteurs majeurs de la question kurde aujourd’hui.
Les vagues de mobilisations successives depuis la fin des années 1950 semblent avoir doté la « cause kurde » d’une réelle légitimité ; elles ont permis une transmission des expériences et des modes d’action, ainsi qu’un rajeunissement et une féminisation de la contestation. Mais les Kurdes pourront-ils pour autant survivre dans un environnement à tel point brutalisé ?
Prenant la relève de nombreux ouvrages parus depuis quelques années notamment en anglais, notre intervention vise à faire le point sur la question kurde dans toute sa pluralité, à savoir dans chacun des pays où elle se pose, mais aussi dans ses dynamiques transfrontalières et diasporiques. En guise d’introduction, il nous faut cependant préciser qu’analyser l’évolution de cette question, et plus généralement celle des pays du Moyen-Orient dans le contexte actuel de la région, n’est pas une tâche aisée. Les transformations dont l’Irak est le théâtre depuis la Guerre du Golfe de 1991 et l’état de violence généralisée en Syrie depuis 2011, ont en effet déclenché des processus contradictoires, pulvérisant les repères anciens, qu’ils soient temporels ou spatiaux, sans leur en substituer pour le moment d’autres, susceptibles de s’ancrer dans la durée. Rarement, en effet, le Moyen-Orient se sera trouvé dans une telle incertitude et une telle obscurité. Face à cette ≪ tyrannie du moment ≫, qui avait désarmé plus d’un observateur dans les années 1930 et 1940, nous n’avons d’autre choix que d’adopter le conditionnel pour exprimer nos propos, et d’autre ambition que de rappeler les dynamiques de continuité qui pourraient bientôt ne plus être d’actualité ou les ruptures récentes, qui pourraient perdre de leur importance sous l’impact d’autres configurations à venir.