Mercredi 9 novembre⋅2022 | 18h30-20h30
Présentation du N° 56 de la revue Moyen-Orient "Liban: un État en voie de disparition?"
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Leila Seurat, chercheure au Carep Paris, elle est également chercheure associée au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip) ainsi qu’à Observatoire des mondes arabes et musulmans (OMAM-ULB). Elle a publié Le Hamas et le monde (CNRS, 2015) et une anthologie de la pensée politique arabe qu’elle a cosigné avec Jihane Sfeir (CNRS Éditions, 2022). Elle est l’autrice de l’article « À Beyrouth, au-delà du stigmate des «mercenaires du pouvoir» ».
Eric Verdeil, géographe, professeur à Sciences Po Paris, spécialiste de géographie urbaine. Ancien responsable de l’Observatoire urbain de l’Ifpo à Beyrouth (2000-2003). Il est l’auteur de l’article « La crise électrique du Liban: une lecture géographique ».
Modération : Agnès Levallois, vice-présidente de l’iReMMO.
Il s’appelle Bassam al-Cheikh Hussein et, pour beaucoup de Libanais, il est un héros. Le 11 août 2022, il est entré par la force dans une banque de Beyrouth tel un gangster pour obtenir les quelque 200.000 euros d’économies qu’il avait mis une vie à épargner mais qui demeuraient bloqués sur son compte en raison de la crise. Arrêté, il n’a pas été poursuivi. Une histoire qui se répète au Liban avec la multiplication des braquages commis par de simples citoyens souhaitant retirer leurs placements, leur épargne, leurs revenus, pour subvenir à leurs besoins quotidiens. La livre libanaise a perdu la quasi-totalité de sa valeur, et la population est aux abois.
Voilà l’image d’un pays au bord du gouffre, une image plus forte encore que la terrible double explosion dans le port de Beyrouth, qui souffla une partie de la ville le 4 août 2020. Le drame était alors le symbole d’un pouvoir corrompu et inapte, clientéliste et cleptomane.
Et l’effondrement des silos à grains rappelle la disparition de toute une nation sous les yeux ébahis de la communauté internationale. Car, oui, le Liban va mal, très mal. En près de quatre-vingts ans d’existence, depuis l’indépendance obtenue de la France en 1943, ce pays que l’on présentait comme un «modèle» de démocratie au Moyen-Orient après qu’il eut traversé une terrible guerre civile (1975-1990) risque tout simplement de mourir. Car les pouvoirs appartiennent à des clans politico-confessionnels, organisés en réseaux mafieux et équipés de milices armées pour protéger leurs intérêts et donc assurer leur survie, au détriment de celle du Liban.
Comment secourir le «Pays des Cèdres»? La question amène, hélas, peu de réponses. On pensait que la destruction du port de Beyrouth allait unir une nation derrière une vision d’avenir commune. On a certes vu des drapeaux, des manifestations… Mais rien que les blocages de l’enquête pour trouver les responsables du drame révèlent l’étendue des défaillances d’un État en aucun cas indépendant et souverain.
Reste l’espoir d’une jeunesse qui s’est soulevée en octobre 2019 pour crier sa douleur. Sera-t-elle entendue? Il y a urgence, et l’exil des Libanais a déjà commencé.