Le président iranien Ebrahim Raïssi a estimé mercredi 3 mai à Damas que la Syrie de Bachar al-Assad avait « remporté la victoire », dans un pays déchiré par une guerre civile depuis 12 ans et dont Téhéran est l’un des principaux alliés.
L’Iran soutient Bachar Al-Assad depuis 2011 aux côtés de la Russie, donc la relation a toujours été très forte entre l’Iran et la Syrie, et cette visite du président iranien s’inscrit dans la foulée de l’accord qui a été signé entre l’Arabie saoudite et l’Iran sous l’égide des Chinois, et il me semble que c’est un moyen pour les Iraniens de dire aux Syriens “d’accord, il y a une amélioration des relations, on ne va pas laisser l’Arabie Saoudite prendre pied de façon trop importante en Syrie, nous sommes vos alliées depuis longtemps, alors que l’Arabie Saoudite a soutenu l’opposition syrienne au début de la révolution dans ce pays, et donc c’est vraiment une façon de se rappeler aux bons souvenirs des Syriens, leur dire qu’il ne faut pas qu’ils se trompent dans leurs accords. Si l’Arabie Saoudite arrive à obtenir la réintégration de la Syrie, cela peut poser problème aux Iraniens, même si un accord a été signé entre les Iraniens et les Saoudiens.
Les Saoudiens ont pris acte du fait que les Américains ne sont plus autant présents dans la région par rapport à avant, on parle d’un certain désengagement américain, donc les Saoudiens se devaient de gérer leurs problèmes internationaux avec leurs ennemis, qu’ils ne pouvaient plus compter de la même façon sur l’allié extérieur, d’où cette volonté de reprendre le dialogue avec les Iraniens et d’essayer de régler quelques conflits internationaux, le Yémen et évidemment la Syrie et le Liban. On est dans un nouveau jeu régional où les puissances régionales entendent jouer elles-mêmes leur parti et défendre leurs intérêts, d’où cet accord signé par les Iraniens et les Saoudiens, des conséquences que l’on peut voir aussi sur la partie syrienne.
Pour certains pays de la région, oui, Bachar Al-Assad est redevenu fréquentable avec cette volonté de la part des régimes autoritaires qui ont pris la tête de la contre-révolution aux Emirats et à l'Arabie saoudite, s’accommodent tout à fait à un régime autoritaire comme celui d’Assad. A travers cette reprise de négociations et de réintégration de la Syrie, il s’agit pour ces pays-là de dire qu’il faut que la Syrie soit là, elle est un pays autoritaire, et il ne faut pas laisser une trop grande influence iranienne, c’est vraiment le cœur de la question.
L’Iran fournit du pétrole à la Syrie car elle en a grandement besoin, il n’y a que deux heures d’électricité par jour en Syrie. Mais l’Iran n’a pas un centime à donner à la Syrie. Les pays qui peuvent aider la Syrie dans sa reconstruction sont les pays du Golfe parce qu’eux ont les moyens financiers. L’Iran s’adresse géopolitiquement à la Syrie en leur disant qu’ils sont bel et bien leurs alliés. Les Iraniens soutiennent la composante hezbollah sur les partis chiites au Liban, donc il est très important pour les Iraniens de garder cette base arrière en Syrie.C’est ainsi un jeu régional complexe qui est en pleine recomposition. L’Iran cherche à montrer qu’elle a toujours été fidèle à la Syrie, qu’elle n’a jamais lâché son alliée
Agnès Levallois, spécialiste de la Syrie, vice-présidente de l’iReMMO