Les médias arabes en parlent déjà comme du « Massacre de la farine ». Jeudi, une distribution de nourriture dans l’ouest de la bande de Gaza a viré au drame, après que des soldats ont ouvert le feu sur la foule qui se pressait vers des camions d’aide alimentaire, faisant une centaine de morts. Le Hamas et Israël s’opposent sur le déroulé des évènements. Le ministère de la Santé de la bande de Gaza, dirigée par le Hamas, évoque un « massacre », faisant état d’au moins 112 morts et 760 blessés. De son côté, Israël a reconnu des « tirs limités » par des soldats qui se seraient sentis « menacés », et considère que la plupart des victimes ont été tuées dans la bousculade.
Dans la foulée, les condamnations internationales se sont multipliées. Ce drame illustre le point d’incandescence auquel est désormais porté le conflit israélo-palestinien.
Que peut-on dire de la situation humanitaire sur place ?
On peut clairement parler d’une situation moyenâgeuse, en contradiction totale avec le droit international humanitaire. Empêcher une population civile de se nourrir, au même titre que tirer dessus, est un crime de guerre.
Que sait-on des objectifs poursuivis par les Israéliens ?
À ce sujet, les Israéliens ont été clairs, leurs objectifs vont bien au-delà de la seule éradication politique et militaire du Hamas. Ils veulent détruire la bande de Gaza ce qui, aujourd’hui, est déjà en grande partie fait. Dans une lettre aux soldats, Benyamin Netanyahou parle également de la nécessité d’« effacer » la mémoire de Gaza, ce qui est une manière d’évoquer la destruction du patrimoine culturel. À terme, on peut imaginer qu’Israël souhaiterait que la population de Gaza finisse par quitter la zone. Mais les Egyptiens sont en train de construire un mur près de leur frontière avec Gaza, précisément pour contenir les Palestiniens qui fuient les bombardements.
Emmanuel Macron a fait part de sa « profonde indignation » sur X (anciennement Twitter) après la fusillade de jeudi. Le chef de l’Etat appelle à un cessez-le-feu et au respect du droit international. La France a toujours revendiqué tenir une position d’équilibre face au conflit israélo-palestinien, est-ce le début d’un changement de pied ?
La France n’a pas eu de positon d’équilibre, au contraire, elle a même été en déséquilibre constant. Elle a d’abord été dans une posture pro-israélienne, dont elle s’écarte progressivement. Se référer à ce que dit le droit international, comme vient de le faire Emmanuel Macron, est en revanche une manière de revenir à une position d’équilibre. Ce matin, sur France inter, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a réclamé une enquête indépendante sur ce qu’il s’est passé à Gaza. Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni en urgence et à huis clos. Que peut-on attendre de ces initiatives ? Juridiquement, l’ONU, peut décider d’un déploiement militaire, mais si les discussions vont trop loin, les Etats-Unis ne manqueront pas d’y mettre leur veto. La Cour pénale internationale (CPI) est compétente sur les territoires palestiniens, dans la mesure où l’Autorité palestinienne a ratifié le Statut de Rome en 2015, mais Israël ne reconnaît pas cette autorité. Fin octobre, Karim Khan, procureur de la CPI, s’est rendu en Egypte mais n’a pas pu entrer dans la bande de Gaza. »
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Jean-Paul Chagnollaud, président de l’iReMMO.