Il faut essayer de se mettre pour un instant à la place des gens qu’on vient de voir , qui sont en situation de guerre depuis 18 mois qui a complètement disloqué la société sur le plan matériel et éducatif. Depuis le début de mars, il n y a plus d’aide humanitaire, non plus de l’électricité alors plus d’eau à part les réserves en voie d’épuisement. Alors la situation est catalytique, et selon des témoignages directs, ils le considèrent comme un vrai problème, mais Netanyahou a la volonté d’aller encore plus loin. Le ministre de la défense a parlé d’une dévastation totale comme si les images ne montraient pas que nous y sommes déjà.
Nous sommes aujourd’hui à presque 18 mois de guerre et nous sommes en train de changer de paramètre avec l’arrivée de Trump. Pas seulement au Proche-Orient mais dans le monde entier, nous sommes en train d’écraser les paramètres juridiques les plus élémentaires. Le gouvernement israélien le dit : « il veut chasser une grande partie des Gazaouis de Gaza ». Il y a eu 40 000 personnes du nord de la Cisjordanie qui ont été expulsés de chez eux et ne peuvent plus retourner. Il y a au sein du ministère de la défense une direction de l’immigration volontaire, dans le cadre global de ce nouveau monde assez terrifiant, dans lequel nous rentrons, avec l’idée d’un nettoyage ethnique, encouragé par les États-Unis.
On sait depuis longtemps que le meilleur ennemi de Netanyahou est le Hamas, il ne veut pas négocier avec des terroristes, alors on le comprend, mais il ne veut non plus négocier avec les autorités palestiniennes. Cette coalition de droite et d’extrême droite ne veulent pas un règlement politique mais veulent dominer. Nous sommes dans la première séquence, et la deuxième sera assez terrible en Cisjordanie et à Gaza, et prochainement probablement dans une annexion de la Cisjordanie. Selon les presses israéliennes, nous sommes alors dans un système qui en train de basculer très profondément vers un système illibéral.
La ligue arabe avait l’idée d’un plan pour en finir avec cette guerre et de voir un règlement politique, ce que les États-Unis et Israël ont écarté d’un revers de vin car cette idée d’un jour d’après n’est pas dans la thématique de la coalition de Netanyahou. Ils sont en train de réussir ce dont ils ont toujours rêvé : mettre la main définitivement sur la Palestine, dans une configuration extraordinaire pour eux mais pas pour le monde.
Les déclarations faites sont en accord avec Washington : la décision de continuer la guerre, les premiers bombardements, la livraison d’armes très puissantes. Ils peut y avoir quelques contradictions mais si on était resté sur la deuxième phase de l’accord du cessez-le-feu qui impliquait la libération des otages contre des prisonniers palestiniens et le retrait totale de l’armée israélienne du territoire de Gaza. À partir de là, on pouvait enclencher des négociations qui reviennent avec une politique de comment gérer le conflit israélo-palestinien.
Il y a 7 ans, en 2018, une loi a été votée avec une faible majorité sur l’état nation du peuple juif qui prend à contrepied la déclaration de l’indépendance, alors la souveraineté appartient au peuple juif et à lui seul, ce qui implique un replis identitaire sur le nationalisme juif et là on continue dans la même logique de dévitaliser tout ce qui relève de l’état de droit contestablement. Ce qui a déjà commencé car il y a deux choses : le périmètre d’action de la Cour suprême et le système de désignation des juges alors finalement soumettre le pouvoir judiciaire par le pouvoir exécutif et la comparaison avec ce qui se passe aux États-Unis est possible car il y a une forme de populisme qui va très loin. L’objectif est qu’ « au nom de la démocratie », les élites dominent sans avoir le moindre obstacle de nature juridique ou lié à la presse. Si jamais il parvenait à destituer le procureur général, nous aurons un affaiblissement très fort de l’état de droit, ce qui est en question. Il faut quand même dire un mot qui est la colonisation, un objectif de Netanyahou et du Likoud pour faire sorte qu’elle avance sans aucun frein.
Jean-Paul Chagnollaud, président de l’iReMMO.