Géopolitique : la puissance de l’arme alimentaire

Vous distinguez dans un article paru récemment dans Le Déméter, titré «Nourrir la puissance: l’alimentation au prisme de la géopolitique», trois cas de figure anciens, ravivés par la guerre en Ukraine, qui lient étroitement l’alimentation et les affrontements armés. Le premier concerne l’alimentaire pour le militaire. En clair, la nécessité de nourrir les troupes. Le deuxième cas, c’est le militaire pour l’alimentaire, dès lors que le conflit est mû par l’acquisition de nouveaux territoires agricoles et donc de nourriture. Cette dimension est-elle présente aujourd’hui chez Poutine, notamment à l’égard du Donbass ?

Pierre Blanc : On ne peut pas dire de l’opération russe qu’elle soit guidée par la saisie de terres et de biens à des fins de production alimentaire, même s’il est difficile de savoir exactement les visées de Poutine. Nous ne sommes pas du tout dans la reproduction de l’opération Barbarossa, en 1941, qui, sur ces mêmes territoires, illustre pleinement ce volet du militaire pour l’alimentaire : la prise des tchernozioms (sols noirs très fertiles) ukrainiens et russes par Hitler, qui y voyait un enjeu vital. Reste qu’indirectement, l’est de l’Ukraine étant riche de terres agricoles, cette saisie pourrait fournir aujourd’hui à la Russie un avantage à l’international, en termes d’exportations, mais je ne pense pas qu’à l’origine, ce soit l’effet recherché.

En revanche, le troisième volet que vous déployez, le militaire par l’alimentaire, qui vise à affaiblir l’adversaire par la privation de nourriture, semble plus présent actuellement…

L’arme de l’embargo voire du blocus n’a jamais vraiment disparu. En Syrie, Bachar Al Assad a clairement utilisé l’alimentaire à cette fin, à une échelle infra-étatique, en maintenant un blocus étroit du camp palestinien de Yarmouk en 2013 et 2014. En Ukraine, le siège de Marioupol a été marqué de ce sceau, encerclant des populations affamées. On peut effectivement penser que cette tactique a été basée sur l’idée d’une reddition en raison des difficultés à s’approvisionner. Plus indirectement, la fragilisation de l’Ukraine par le blocus des ports et donc des containers de blé et autres productions agricoles, génère un grand manque à gagner pour le pays, ce qui relève aussi de ce registre.

Pierre Blanc

ÉDITO

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LES ANALYSES DE CONFLUENCES

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Pour le peuple syrien

En quelques jours, les attentats sanglants en Turquie et les raids israéliens sur la Syrie sont venus rappeler l’extrême gravité de la tragédie syrienne et les risques de déstabilisation régionale qu’elle comporte. Comme pour ajouter à la confusion, Mme Del Ponte, la magistrate internationale et membre d’une commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie, s’est permise, sans preuves, d’accuser l’opposition d’avoir utilisé des armes chimiques. Venant ainsi mêler sa voix – aussitôt désavouée par l’ONU – à toutes celles qui cherchent à nier la réalité d’une situation dans laquelle un régime est entré en guerre contre son propre peuple. On a, en effet, prétendu bien des choses : que les heurts entre les manifestants et les forces de l’ordre étaient le fait d’éléments infiltrés venus de l’étranger, que l’Observatoire syrien des droits de l’homme publiait systématiquement des informations erronées, que l’opposition était inspirée et instrumentalisée par des Etats hostiles à la Syrie ou qu’elle ne relevait que de la mouvance fondamentaliste sunnite encline aux postures jihadistes et aux alliances avec Al-Qaeda.

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