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Israël entraîne le Moyen-Orient dans un engrenage guerrier

La décision prise par l’armée israélienne de lancer, dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 juin, l’opération « Rising Lion » (« lion qui se lève »), ciblant les infrastructures militaires et nucléaires iraniennes, s’inscrit dans la continuité de la stratégie mise en place par Benyamin Nétanyahou depuis des années et qui s’est renforcée au lendemain des massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023. Celle-ci a consisté, en 2010, à développer un virus informatique, Stuxnet, qui avait touché les centrifugeuses iraniennes et de ce fait ralenti le programme, et à éliminer plusieurs scientifiques en charge de ce programme au fil des années. Même si ces opérations n’ont pas été revendiquées, les regards se sont tournés vers Israël et les Etats-Unis.

Puis, en riposte au 7-Octobre, tout en dénonçant le rôle de Téhéran, l’objectif a été de détruire les infrastructures du Hamas, de décapiter le commandement du mouvement pour, ensuite, s’attaquer au Hezbollah, mouvement chiite libanais, tout en bombardant régulièrement les bases militaires syriennes, en particulier après la chute du régime de Bachar Al-Assad [le 8 décembre 2024]. Il s’agissait de toucher et d’affaiblir l’« axe de la résistance » soutenu par l’Iran. Ainsi, une opération a été menée par Israël en avril 2024 contre le consulat iranien à Damas, ce qui a provoqué une réaction iranienne contre le territoire israélien, suivie d’une autre en octobre, après l’assassinat du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah [survenu le 27 septembre 2024]. Les ripostes iraniennes étaient alors considérées comme « mesurées », Téhéran ne voulant pas prendre le risque de rentrer dans une guerre dont il sortirait perdant.

Téhéran ne voulant pas prendre le risque de rentrer dans une guerre dont il sortirait perdant.

Israël a toujours dit qu’il n’accepterait à aucun prix qu’un pays de la région dispose de l’arme nucléaire – le réacteur Osirak, construit en Irak avec l’aide de la France, a été bombardé en juin 1981 – et le premier ministre ne cesse de répéter qu’il est hors de question que l’Iran développe des capacités nucléaires, y compris civiles. C’est la raison pour laquelle il s’était opposé à l’accord signé en 2015 par Barack Obama et le régime iranien, dont sont sortis les Etats-Unis,en 2018, lorsque Donald Trump est arrivé à la Maison Blanche.

Aujourd’hui, Benyamin Nétanyahou, fort de ses succès militaires contre le Hamas et le Hezbollah, provoquant de fait l’affaiblissement de l’Iran, sans oublier la chute du régime d’Al-Assad, entend poursuivre son objectif et détruire l’ensemble des capacités iraniennes. Cette escalade est particulièrement dangereuse car, comme l’a rappelé le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), les sites nucléaires ne doivent jamais être pris pour cible, quelles que soient les circonstances.

« Ces attaques sont lourdes de conséquences pour la sûreté, la sécurité et les garanties nucléaires, et nuisent également gravement à la paix et à la sécurité régionales et internationales », a déclaré Rafael Grossi devant les membres du Conseil de sécurité des Nations unies, vendredi 13 juin. Le dernier rapport publié par l’AIEA faisant état de l’accélération du programme d’enrichissement d’uranium, notamment l’enrichissement à 60 %, seuil qui est proche de celui de 90 % pour la fabrication de l’arme atomique, a été le prétexte pour lancer les frappes.

Ces évolutions inquiètent fortement les pays sunnites de la région, qui préfèrent garder une neutralité vis-à-vis des derniers développements, même s’ils se satisfont d’un affaiblissement de leur voisin iranien. Le risque d’une déflagration régionale ne va pas dans le sens de leurs intérêts. Le prince héritier saoudien [Mohammed Ben Salman] a lancé de grands projets, afin de diversifier l’économie du royaume, dont la réalisation est retardée par la situation géopolitique.

Ce dernier épisode rend encore plus difficile aujourd’hui l’hypothèse d’une normalisation avec l’Etat hébreu, comme si ce dernier avait abandonné ce processus qui a débuté en 2020 avec les accords d’Abraham, auquel il semblait pourtant très attaché. Il est vrai que la destruction de la bande de Gaza et le blocus étanche du territoire, qui a pour conséquence d’affamer sa population, ne permettaient déjà plus un rapprochement entre les deux pays, coup dur pour Donald Trump, qui en était à l’origine.

« Ces attaques sont lourdes de conséquences pour la sûreté, la sécurité et les garanties nucléaires, et nuisent également gravement à la paix et à la sécurité régionales et internationales »

Côté iranien, la marge de manœuvre est extrêmement limitée. La riposte de Téhéran doit rester mesurée, car le pays n’a pas les moyens de rentrer en confrontation militaire avec l’Etat hébreu et, s’il s’en prend à des militaires américains stationnés dans la région, la réaction de Washington sera terrible. Il semble d’ailleurs que les officiels iraniens ne s’attendaient pas au lancement de l’offensive israélienne avant le sixième round de négociations qui devait se tenir le 15 juin à Mascate, au sultanat d’Oman.

Israël entraîne le Moyen-Orient dans un engrenage guerrier, ce qui sert le premier ministre israélien. Benyamin Nétanyahou subissait quelques pressions quant à la situation humanitaire intolérable de la bande de Gaza, alors que l’aile la plus extrémiste de son gouvernement le pousse à poursuivre dans cette voie en refusant toute négociation. Les partis d’opposition ont essayé de le faire tomber, jeudi 12 juin, en présentant un projet de loi visant à la dissolution du Parlement afin de provoquer des élections anticipées, sans succès. L’inquiétude suscitée par la montée des tensions au Moyen-Orient fait oublier l’horreur de ce qui se passe à Gaza.

Le territoire est coupé du monde depuis quelques jours, car les réseaux de téléphonie et d’Internet ne fonctionnent pas et le bilan humain, à la suite de la mise en place du système de distribution d’aide à travers la Gaza Humanitarian Foundation, ne cesse de s’alourdir au lieu d’améliorer la situation des Gazaouis. Les pays européens, dont la France, qui avaient commencé à élever la voix contre la politique de Nétanyahou se taisent désormais sur la situation à Gaza pour lui apporter leur soutien, dramatique renversement de situation qui laisse un peu plus les Palestiniens dans un profond désespoir d’être, une fois encore, abandonnés à leur sort pour de sombres calculs politiques.

L’inquiétude suscitée par la montée des tensions au Moyen-Orient fait oublier l’horreur de ce qui se passe à Gaza.

ÉDITO

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Israël-Palestine: pour un retour au politique

Si la première phase du cessez-le-feu initié à Gaza depuis le 19 janvier 2025 a tenu, les perspectives de mise en oeuvre de la seconde – devant permettre la libération de tous les otages restants en échange de celle de prisonniers palestiniens et le retrait total de l’armée israélienne de la bande de Gaza – semblent beaucoup plus incertaines. Comme l’est encore bien davantage l’issue de cette guerre et, plus fondamentalement, celle du conflit israélo-palestinien. Deux chemins sont possibles. L’un conduisant vers une guerre sans fin, l’autre ouvrant vers des perspectives de paix.

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LES ANALYSES DE CONFLUENCES

LES ANALYSES DE CONFLUENCES

Le choc des élections en Grèce

Christophe Chiclet, 17 août 2012
Suite à la grave crise financière, puis économique et sociale, la Grèce vient de plonger dans une crise politique majeure. Le bipartisme qui réglait la vie politique grecque depuis l’indépendance de 1832 (Populistes-libéraux ; Royalistes-Vénizélistes ; Monarcho facistes-communistes ; Conservateurs-socialistes) a volé en éclat lors des législatives anticipées des 6 mai et 17 juin 2012. Le paysage politique a été totalement chamboulé. Les socialistes du PASOK ont pris une déculotté historique alors qu’ils gouvernaient le pays quasiment sans interruption depuis 1981. Les partis traditionnels qui soutenaient les plans d’austérité imposés par la « Troïka » (UE, Banque mondiale, FMI) ont été lourdement sanctionnés. Le PASOK est arrivé en troisième position le 6 mai avec 13,18% des voix, perdant 30,7% par rapport aux législatives de 2009, perdant donc 109 députés, n’en gardant que 41, revenant au niveau électoral qu’il avait aux élections d’octobre 1974, trois mois après la chute de la dictature des colonels.

 

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Lettre d’information de l’iReMMO