Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu ne craint-il pas de diviser encore plus, avec l’annonce d’une opération terrestre à Gaza, ce dimanche 18 mai ?
On voit bien que Netanyahu est dans une situation très compliquée : d’un côté il veut absolument continuer à bombarder Gaza, puisqu’il n’a aucun plan politique pour « le jour d’après ». Ça fait des semaines et des semaines qu’il est simplement dans une logique militaire qui, évidemment, ne conduit à rien. Et d’un autre côté, Donald Trump rentre d’une tournée dans les pays du Golfe et voudrait « faire plaisir » à ces dirigeants du Golfe avec lesquels il a fait des affaires très juteuses d’un point de vue économique. Et ces responsables du Golfe mesurent à quel point l’opinion publique dans la région est absolument choquée par les images de ces bombardements sans fin de la bande de Gaza complètement dévastée. Ils lui demandent maintenant de contraindre Netanyahu d’arrêter ce massacre puisqu’on ne voit pas la finalité politique de ce massacre, si ce n’est de vider la bande de Gaza de ses habitants et de la réduire à néant.
C’est sûr que l’État d’Israël aujourd’hui n’a jamais été aussi isolé sur la scène internationale. On voit que des opinions publiques en Europe, comme ces manifestations hier [dimanche 18 mai, NDLR] aux Pays-Bas par exemple, ont été d’une grande ampleur. Il y a vraiment une colère sur la scène internationale des opinions publiques à l’égard de ce qu’il se passe en Israël. Je ne crois pas pour autant qu’Israël va perdre le soutien américain. Les États-Unis sont complètement aux côtés d’Israël et le resteront. Simplement, Donald Trump est un pragmatique, comme on le sait. Lui, ce qu’il veut, c’est pouvoir faire des affaires comme il l’entend, sans la moindre contrainte. Et cette guerre à Gaza met à mal tous ses projets financiers dans l’ensemble de la région. Donc, c’est la raison pour laquelle, il est en train, semble-t-il, de tordre le bras de Netanyahu, comme il l’avait fait en janvier : c’est au moment d’arriver à la Maison Blanche qu’il avait obtenu que Netanyahu signe une trêve, que ce dernier avait rompue quelques semaines plus tard. Mais en tous les cas, c’est quand même Trump qui l’avait obligé à signer cette trêve, ce que Joe Biden, le président américain précédent, n’avait pas réussi à faire.
Ils ont tout pouvoir, parce que s’ils démissionnent, la coalition gouvernementale mise en place par Netanyahu tombe. Et donc Netanyahu tombe. Il est aussi face à la justice en Israël et, tant que la guerre à Gaza continue, ça retarde toutes les audiences auxquelles il est convoqué au nom justement de la situation sécuritaire du pays. Et donc ces ministres d’extrême droite savent très bien le pouvoir qu’ils ont entre leurs mains. Pour rappel, lors de la première trêve, un des deux ministres d’extrême droite avait quitté le gouvernement [Itamar Ben Gvir, NDLR], le deuxième était resté, ce qui avait permis à Netanyahu de se maintenir. Mais ces deux ministres ne veulent absolument pas entendre parler de la moindre négociation avec le Hamas, quitte à perdre les derniers otages qui restent d’ailleurs retenus par le Hamas. Donc, Netanyahu est coincé entre, d’un côté Trump qui lui demande maintenant d’arrêter parce que ça n’est plus possible, et l’extrême droite dont le seul objectif est d’aller jusqu’au bout de cette épuration ethnique et donc de mener ce génocide contre la population de Gaza. Pour l’instant, il a donné toute satisfaction à l’extrême droite parce qu’il veut se maintenir coûte que coûte. Mais jusqu’à quand va-t-il pouvoir se maintenir face aux réactions américaine et internationale, même si elle est très tardive au regard de ce qui se passe ?
C’est absolument accablant et c’est vrai qu’on voit bien que de toute façon, ce sont seuls les États-Unis qui ont vraiment la clé entre les mains. S’ils arrêtent la livraison de munitions, la guerre s’arrête. Et si l’Allemagne arrête également de livrer de l’armement, ça mettra à mal la stratégie militaire d’Israël. Oui, c’est absolument consternant de voir qu’il n’y a pas plus de réaction de la part de la communauté internationale, en particulier les Européens et les Américains.
Agnès Levallois, présidente de l’iReMMO.