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Reconnaissance d’un État palestinien: «Le noyau dur du refus est en train de se fissurer»

Cela fait plus de sept mois maintenant que la guerre dure à Gaza. Pourquoi faire cette annonce maintenant ?

Ce sont des pays qui réfléchissaient déjà depuis longtemps à cette possibilité de reconnaître l’État de Palestine.  Il faut se souvenir que la Norvège était quand même le pays qui a joué un rôle important au moment des accords d’Oslo, que l’Espagne a joué un rôle important dans ces mêmes accords, en organisant la conférence de Madrid. L’Irlande a toujours été dans cette voie-là.

La guerre à Gaza a simplement rappelé l’urgence de penser à un règlement politique global pour en finir avec ces guerres et ces tragédies. C’est l’idée que, comme ils l’ont d’ailleurs exprimé au moment de cette reconnaissance, il faut sortir de cet enchaînement de violence et de guerres, de guerres sans fin. Et donc le seul moyen, c’est un règlement politique, et la seule solution d’un règlement politique, c’est évidemment une solution à deux États.

Cela veut dire qu’il faut commencer par dire les choses très simplement : Israël a des besoins de sécurité, mais est un État constitué et reconnu. Il faut que les Palestiniens aient aussi le leur.

Avec ce message de la Norvège, par exemple, ce mercredi matin, qui dit vouloir encourager les modérés des deux côtés. Les positions sont quand même assez différentes au sein de l’Union européenne. Le ministre français des Affaires étrangères a réagi tout à l’heure en expliquant que la question n’était pas taboue, mais que ce n’était pas le bon moment pour,ce que le Quai d’Orsay appelle un « outil diplomatique ». Vous pensez que Paris viendra un moment à cette reconnaissance ?

Il faut rappeler que le Sénat et l’Assemblée nationale en France, il y a dix ans exactement, ont demandé au gouvernement de reconnaître l’État de Palestine.

Ce n’est pas simplement que ce n’est pas tabou, c’est un débat qui a été très souvent évoqué et puis abandonné ces dernières années, en tout cas ces deux, trois dernières années, parce qu’on pensait que la question palestinienne était finalement, quelque part, marginalisée et passée pour profits et pertes. Et puis le 7 octobre a réveillé tout ça, évidemment. Et tout ce qui s’est ensuivi par la suite a fait qu’on se rend bien compte de l’urgence du règlement politique.

La France, là-dessus, a une position très claire en termes de perspectives. Elle est aussi sur l’idée d’une solution à deux États, mais elle reste très timorée, très hésitante sur le moment de la décision de le faire. Donc, on n’arrête pas d’avoir ces déclarations en demi-teintes, mais qui ne sont pas très efficaces, à moins qu’ils ne préparent une initiative plus forte pour faire en sorte que la reconnaissance de l’État de Palestine puisse être au fond un premier pas vers un processus de négociation.

Mais on n’en est pas là et le danger de dire « on le fera le moment venu », c’est que ce moment venu n’arrive jamais. Il faut prendre ses responsabilités et c’est un peu dommage que la France n’ait pas saisie cette occasion de ces pays du cœur de l’Europe de l’Ouest de faire cette démarche qui permettait de poser clairement les problèmes et montrer que la seule perspective était celle d’un règlement politique, un règlement de paix, sur la base des résolutions des Nations unies, ni plus ni moins.

 

D’autant que ces pays ne cachent pas leur intention d’en convaincre d’autres de les suivre, de se rallier à cette position de reconnaître un État palestinien. Là, on parle bien de position nationale. Le seul vrai instrument de reconnaissance, en fait, ce sont les Nations unies. Et si on a vu que les soutiens étaient plus nombreux pour la Palestine lors des derniers votes sur la question, ça ne change pas. Qu’est-ce qui bloque à l’ONU ?

À l’ONU, on l’a vu très clairement – et d’ailleurs, ça montre aussi une contradiction de la politique française – il y a eu une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies qui demandait l’admission de la Palestine comme État à part entière aux Nations unies, ce qui aurait été un moment très important. La France a voté ce texte, la Grande-Bretagne s’est abstenue et on a eu, comme c’est le cas dans ces situations-là, un veto des États-Unis. Donc ce qui bloque, ce sont clairement les États-Unis. Ce sont eux qui, à la fois, prétendent qu’il faut un « après » cette guerre et qu’il faut réfléchir à un règlement politique et qui, en même temps, bloquent les initiatives aussi importantes que celles dont je viens de parler.

Et la France est un peu dans une contradiction lorsqu’elle vote pour l’admission de l’État de Palestine aux Nations unies et en même temps tergiverse sur la question de la reconnaissance de cet État, par nous-mêmes. 

 

Et qu’est-ce que ça change, une reconnaissance ? Qu’est-ce que ça a comme conséquence au niveau international pour les Palestiniens ?

Prenons les choses à l’envers : si vous prenez la géopolitique mondiale, où sont les États qui n’ont pas reconnu l’État de Palestine ? On peut résumer les choses en disant que c’est l’Ouest, c’est l’Occident, et en particulier l’Europe de l’Ouest et les États-Unis. Même le Canada est en train de réfléchir à son tour. Donc pour les Palestiniens, ça veut dire que là où est le noyau dur du refus, il est en train de se fissurer. Au cœur de l’Europe de l’Ouest, il y a des États qui franchissent le pas. Et pour les Palestiniens, c’est très important en termes de rapport de force sur le plan diplomatique.

Si vous prenez l’Asie, l’Amérique latine, l’Afrique, il y a de très larges majorités en faveur de la reconnaissance de la Palestine depuis longtemps. Donc, il reste ce bloc de l’Europe de l’Ouest. Et finalement, dans l’Europe de l’Ouest aujourd’hui, il y a cette fissure : il y a les trois États dont on vient de parler, la Slovénie n’en est pas loin, Malte [aussi], la Suède, dont on ne parle pas, l’a fait en 2014… tous les États qui étaient autrefois des pays socialistes avant d’entrer dans l’Union européenne ont aussi reconnu l’État de Palestine.

Finalement, il reste les Pays-Bas, la Belgique aussi est prête à le faire… il y a vraiment une vraie fissure au sein des Européens de l’Ouest surtout. Pour les Palestiniens, c’est effectivement une victoire. L’OLP parle de victoire historique, c’est peut-être un peu excessif, mais en tout cas, c’est vrai que pour eux, c’est très important de voir qu’une bonne partie de l’Occident reconnaît ce qui est au fond une chose assez élémentaire, leur droit à avoir un État, comme l’affirment depuis si longtemps les résolutions des Nations unies.

 

Avec une question de positionnement politique palestinien aussi qui se joue ?

Les Palestiniens n’ont pas d’autres cartes aujourd’hui, compte tenu des contradictions malheureuses qui sont très lourdes entre le Hamas et le Fatah. C’est vrai qu’ils ont une carte à jouer, c’est la diplomatie, ce qu’ils font depuis longtemps. Ils l’ont fait aux Nations unies, ils l’ont fait de manière bilatérale et puis ils l’ont fait aussi à la Cour pénale internationale, avec le résultat que l’on sait puisqu’ils ont déposé des plaintes. Ces plaintes ont abouti. Donc, ils sont de plus en plus forts sur le plan diplomatique et ça pose évidemment des problèmes majeurs pour Israël.

Jean-Paul Chagnollaud, président de l’iReMMO.

ÉDITO

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LES ANALYSES DE CONFLUENCES

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Barack Obama à Al-Azhar : un discours fondateur

Robert Bistolfi, 3 septembre 2009
Barack Obama et Georges W.Bush : tout a déjà été dit sur leurs différences et sur les ruptures que le nouveau président incarne. Tout a déjà été dit, sauf peut-être l’essentiel : on n’a pas assez souligné la perspective longue qui est la sienne, sa position éthique sur des sujets touchant à l’avenir de l’humanité dans son ensemble. Il pose à la fois des objectifs et des principes pour guider l’action, en jalonnant la voie de sorte que les contraintes de la réalité (qui imposeront des compromis) ne fassent pas dévier du cap. Il l’avait fait avec ses textes fondateurs sur les relations interraciales (discours de Philadelphie [3]) ou sur un monde dénucléarisé (discours de Prague [4]). Tout aussi fondateur apparaîtra le discours qu’il a prononcé le 4 juin 2009 à l’université Al-Azhar, au Caire : au-delà de l’apaisement des tensions avec les sociétés à majorité musulmane, il pose les fondements d’une « politique de l’universel » vraiment novatrice.

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Lettre d’information de l’iReMMO