Le fils de Bibi, ou : Trois hommes dans une voiture

Les chroniques d’Uri Avnery, 13 janvier 2018
Non, je ne veux pas écrire sur l’affaire de Yaïr Nétanyahou. Je m’y refuse catégoriquement. Aucune force au monde ne m’obligera à le faire. Pourtant je suis ici, en train d’écrire sur Yaïr, bon sang. Je ne peux pas y résister. Et peut-être est-ce en fait plus qu’un sujet de ragot. Peut-être est-ce quelque chose que nous ne devons pas ignorer. C’EST TOUTE une conversation entre trois jeunes gens dans une voiture, il y a environ deux ans. L’un de ces jeunes gens était Yaïr, l’aîné des deux fils du Premier ministre.

Pourquoi je suis en colère

Les chroniques d’Uri Avnery,  6 janvier 2018
Je suis en colère contre l’élite mizrahi. Et même très en colère. Mizra est le mot hébreu pour Orient. Les Juifs orientaux sont ceux qui vivaient depuis des siècles dans le monde islamique. Les Juifs occidentaux sont ceux qui vivaient dans l’Europe chrétienne. Ce sont, bien entendu, des termes inappropriés. Les Juifs russes sont des ‟occidentaux”, les Juifs marocains sont des ‟orientaux”. Un coup d’œil à la carte montre que la Russie est très à l’est du Maroc. Il serait plus exact de les appeler ‟septentrionaux” et ‟méridionaux”. Trop tard maintenant.

L’homme qui sauta

Les chroniques d’Uri Avnery, 30 décembre 2017
Personne n’a mieux raconté le déclenchement du conflit israélo-palestinien que l’historien Isaac Deutscher. Un homme vit dans une maison qui prend feu. Pour sauver sa vie, il saute par la fenêtre. Il atterrit sur un passant dans la rue en-dessous et le blesse grièvement. Entre les deux naît une violente hostilité. Bien sûr, aucune parabole ne peut refléter exactement la réalité. L’homme qui sauta de la maison en feu n’a pas atterri sur ce passant particulier par hasard. Le passant devint invalide à vie. Mais, dans l’ensemble cette parabole est meilleure que toute autre de ma connaissance. Deutscher n’a pas apporté de réponse à la question de comment résoudre le conflit. Les deux sont-ils condamnés à se combattre indéfiniment ? Y a-t-il seulement une solution ?

Pleure ô pays bien-aimé

Les chroniques d’Uri Avnery, 23 decembre 2017
Quiconque préconise la peine de mort est soit un fou complet, ou un incorrigible cynique ou est perturbé mentalement – soit il est tout cela à la fois. Il n’y a pas de thérapie efficace pour tous ces défauts. Je n’essaierais même pas. Un fou ne comprendrait pas les preuves écrasantes de ce à quoi cela conduit. Pour un cynique, plaider en faveur de la peine de mort représente un apport de voix reconnu. Un individu atteint de troubles mentaux éprouve du plaisir à la pensée même d’une exécution. Je ne m’adresse à aucun de ceux-là, mais aux citoyens ordinaires d’Israël. Laissez-moi commencer par répéter l’histoire de mon expérience personnelle.

Enfants des pierres

Les chroniques d’Uri Avnery, 16 decembre 2017
Grand Dieu, sont-ils fous ? Ils se rassemblent sur la place du marché, des gamins de 15 ou 16 ans, ils ramassent des pierres et les lancent sur nos soldats qui sont armés jusqu’aux dents. Les soldats tirent, quelquefois au-dessus des têtes, quelquefois directement sur eux. Tous les jours il y a des blessés, tous les quelques jours il y a des morts. Pour quoi ? Ils n’ont pas la moindre chance de changer la politique d’occupation israélienne. Ce n’est que très rarement que les gamins touchent un soldat et lui causent une légère blessure. Pourtant ils continuent. Pourquoi ? Un de mes amis m’a envoyé un article d’un Palestinien respecté. Il raconte sa première manifestation, il y a des années.

De Barak à Trump

Les chroniques d’Uri Avnery, 9 décembre 2017
Ehoud Barak a ‟rompu le silence”. Il a publié un article dans The New York Times qui attaque notre Premier ministre en termes les plus corrosifs. Autrement dit, il a fait exactement la même chose que le groupe d’anciens soldats qui s’appellent ‟Rompre le silence”, qui sont accusés de laver notre linge sale à l’étranger. Ils dénoncent des crimes de guerre dont ils ont été témoins, ou même participants. Je respecte l’intelligence de Barak. Il y a de nombreuses années, alors qu’il était encore chef d’état-major adjoint, il m’invita un jour à un entretien. Nous discutâmes de l’histoire militaire du 17e siècle (l’histoire militaire est pour moi un vieil hobby) et j’ai vite réalisé qu’il était un véritable expert. J’ai beaucoup apprécié.

Roi et empereur

Les chroniques d’Uri Avnery, 2 décembre 2017
Le sionisme est un credo antisémite. Et cela depuis le début. Déjà le père fondateur, Theodor Hertzl, un écrivain viennois, avait écrit quelques textes présentant une tendance antisémite claire. Pour lui le sionisme ne fut pas une simple transplantation géographique, mais aussi un moyen de faire du Juif affairiste méprisable de la diaspora un être humain debout, industrieux. Hertzl se rendit en Russie afin d’y gagner le soutien à son projet de ses dirigeants antisémites déclencheurs de pogroms, promettant de les débarrasser des Juifs.

Une terrible pensée

Les chroniques d’Uri Avnery, 25 novembre 2017
Soudain, une terrible pensée me frappe. Et si Avi Gabbay pensait réellement ce qu’il dit ? Impossible. Il ne peut pas réellement croire toutes ces choses. Non, non. Mais s’il les croit ? Que devons-nous en penser ? Avi Gabbay est le nouveau leader du parti travailliste israélien. Jusqu’à récemment, c’était l’un des membres fondateurs d’un parti de la droite modérée, Kulanu (‟Nous tous”). Sans avoir jamais été élu à la Knesset, il a occupé une fonction ministérielle secondaire. Il a démissionné quand Avigdor Lieberman, considéré par beaucoup de gens comme un semi-fasciste (et le ‟semi” est loin d’être certain), a été admis à rejoindre le gouvernement comme ministre de la Défense, le deuxième poste en ordre d’importance.

Une histoire d’idiotie

Les chroniques d’Uri Avnery, 18 novembre 2017
Je suis furieux. Et j’ai de bonnes raisons de l’être. J’allais écrire un article sur un sujet auquel je pense depuis longtemps. Cette semaine, j’ouvre le New York Times et voilà que dans ses pages d’opinions apparaît mon article non encore écrit, intégralement, argument par argument. Pourquoi ? Je n’ai qu’une explication : l’auteur – j’ai oublié son nom – a volé les idées dans ma tête par des moyens magiques, que l’on peut certainement qualifier de criminels. Quelqu’un a un jour essayé de me tuer pour lui avoir fait la même chose. Alors j’ai décidé d’écrire cet article malgré tout.

Deux rencontres

Les chroniques d’Uri Avnery, 11 novembre 2017
Durant ces derniers jours, j’ai rencontré deux vieux amis : Yasser Arafat et Yitzhak Rabin. Enfin, le mot ‟amis” n’est peut-être pas tout à fait approprié. Ce qui est certain c’est qu’Arafat m’a appelé ‟mon ami” dans un message enregistré pour mon 70e anniversaire, mais Rabin n’appelait personne ‟ami”. Ce n’était pas son caractère. Je suis heureux d’avoir connu les deux de près. Sans eux ma vie aurait été moins riche. JE NE PENSE pas avoir jamais rencontré deux personnes plus différentes. Arafat était une personne chaleureuse. Une personne affective. Ses embrassades et ses baisers étaient cérémoniels mais ils exprimaient aussi des sentiments réels. J’ai amené beaucoup d’Israéliens pour le rencontrer et tous disaient qu’après dix minutes en sa compagnie ils avaient le sentiment de le connaître depuis des années.