Les chroniques d’Uri Avnery

Depuis plusieurs décennies, Uri Avnery écrit une chronique hebdomadaire en hébreu et en anglais diffusée sur le site de Gush Shalom qui en assure également la traduction et la publication en arabe et en russe. Elle est aussi traduite dans plusieurs pays : Allemagne, France, Angleterre, Espagne…

Depuis l’année 2000, Sylviane de Wangen, membre du comité de rédaction de Confluences Méditerranée, assure les traductions en français de ces articles. Les traductions des articles datés de la fin 2003 jusqu’au début 2017 se trouvent sur le site de l’association France Palestine Solidarité – AFPS. À partir de début mars 2017, la traduction en français des chroniques hebdomadaires qu’Uri Avnery continue de produire est publiée sur le site de le revue de l’iReMMO, « Confluences Méditerranée ».

Pour mémoire : 2 livres de compilation de ces articles ont été publiés aux Éditions l’Harmattan, Paris, dans la collection « Les Cahiers de Confluences. En 2002 : « Chronique d’un pacifiste israélien pendant l’intifada (octobre 2000 – septembre 2002) ». En 2006, « Guerre du Liban, un Israélien accuse ».

Uri Avnery se qualifie de patriote israélien. Il est né en Allemagne en 1923. Son père, sioniste à l’heure où peu l’étaient, a immigré avec toute sa famille en Palestine en 1933, dès l’arrivée des nazis au pouvoir. C’est ce qui lui a sauvé la vie, estime Uri Avnery. Il a donc, à partir de l’âge de 14 ans, participé à la lutte contre les Anglais et à l’édification de l’État d’Israël. Pour lui le projet sioniste avait abouti et s’arrêtait là ; Israël devait devenir un État comme les autres pour tous ses citoyens (en particulier Juifs et Arabes palestiniens à égalité de traitement). Quand, après la guerre de 1967, Israël est resté dans les territoires occupés, Avnery et plusieurs autres compagnons n’ont cessé de se battre pour que soient rendus aux Palestiniens les territoires occupés en 1967 afin qu’ils y établissent leur Etat souverain de Palestine. De 1950 à 1990, il fut éditeur et rédacteur en chef de la revue Haolam Haze. Député à la Knesset pendant trois mandats, de 1965 à 1973 et de 1979 à 1981, il fut le premier Israélien qui, dès 1974, prit contact en tant que sioniste avec des responsables palestiniens représentants de l’OLP. En janvier 1976, il fonda avec d’autres dont le général Matti Peled le « Conseil israélien pour la paix israélo-palestinienne » (CIPIP) qui poursuivit et développa ces contacts. Uri Avnery est aussi le premier Israélien à aller rencontrer Yasser Arafat dans Beyrouth assiégée en juillet 1982. Cette rencontre sera suivie de nombreuses autres. Il est fondateur du mouvement Gush Shalom, indépendant de tout parti politique, qui milite pour la solution à deux États vivant côte à côte, l’État d’Israël et l’État de Palestine avec une capitale partagée, Jérusalem. Il a été lauréat de plusieurs prix récompensant les militants de la paix ou des droits humains, dont le « Right Livelihood prize » (Prix Nobel alternatif) à Stockholm en 2001. Sa connaissance approfondie de l’histoire de son pays, et son engagement tout au long de cette histoire (comme soldat, journaliste, parlementaire et militant anti-colonialiste) expliquent que son témoignage et ses analyses présentent un intérêt particulier.

Désespoir

Les chroniques d’Uri Avnery, 16 septembre 2017
MON OPTIMISME concernant l’avenir d’Israël irrite quantité de gens. Comment puis-je être optimiste quand on voit tout ce qui arrive ici tous les jours ? L’annexion de fait des territoires occupés ? Le mauvais traitement des Arabes ? L’implantation de colonies qui nous empoisonnent ? Mais l’optimisme est un état d’esprit. Il ne faiblit pas face au mal. Au contraire, le mal doit être combattu. Et vous ne pouvez pas combattre si vous ne croyez pas que vous pouvez vaincre. Certains de mes amis croient que le combat est déjà perdu. Qu’Israël ne peut plus être changé ‟de l’intérieur”. Que la seule voie pour le changer c’est par des pressions de l’extérieur. Par chance, croient-ils, il y a une force extérieure, qui est prête et capable de faire le travail pour nous. Elle s’appelle BDS – abréviation de ‟Boycott, Désinvestissement, Sanctions”.

Une confession

Les chroniques d’Uri Avnery, 9 septembre 2017
Aujourd’hui est le dernier de ma 93e année. Ridicule. Suis-je plutôt satisfait de ma vie jusqu’à ce jour ? Oui. Si par miracle je pouvais revenir à, disons, 14 ans, et refaire tout ce long parcours, est-ce que j’aimerais cela ? Non, je ne l’aimerais pas. Trop c’est trop. AU COURS DE CES 93 années, le monde a complètement changé. Quelques jours après ma naissance en Allemagne, un petit démagogue ridicule du nom d’Adolf Hitler tenta un putsch à Munich. On le mit en prison, où il écrivit un livre ennuyeux intitulé Mein Kampf. Personne ne le remarqua.

N’importe qui sauf Bibi

Les chroniques d’Uri Avnery, 12 août 2017
LES VAUTOURS tournoient. Ils peuvent voir l’homme blessé au sol et attendent sa fin. Ainsi font les carnivores humains – les politiciens. Ils chantent ses louanges, jurent de le défendre de tout leur cœur – mais, dans leurs têtes ils calculent déjà qui peut être son successeur. Chacun se demande en lui-même : pourquoi pas moi ? Benjamin Nétanyahou fait face à la plus grande crise de sa longue carrière. La police est sur le point de conclure son enquête. Le procureur général est soumis à d’énormes pressions pour prononcer des mises en accusation officielles. Les importantes manifestations près du domicile du procureur général se développent chaque semaine.

Croisés et sionistes

Les chroniques d’Uri Avnery, 2 septembre 2017
Il y a quelques jours, je me trouvais à Césarée assis dans un restaurant avec vue sur la mer. Les rayons du soleil dansaient sur les vaguelettes, les ruines mystérieuses de la ville ancienne s’étendant derrière moi. Il faisait très chaud, mais pas trop chaud et je pensais aux Croisés. Césarée fut construite par le roi Hérode il y a quelque 2000 ans et nommée du nom de son maître romain, César Auguste. Elle redevint une ville importante sous les Croisés qui la fortifièrent. Ces fortifications tiennent lieu aujourd’hui d’attraction touristique. Pendant des années au cours de ma vie je fus obsédé par les Croisés. La première fois pendant la ‟Guerre d’indépendance” de 1948, quand j’eus l’occasion de lire un livre sur les Croisés et que j’ai découvert qu’ils avaient occupé les mêmes lieux en face de la bande de Gaza qu’occupait mon bataillon. Il fallut aux Croisés plusieurs décennies pour conquérir la Bande qui, à l’époque, s’étendait jusqu’à Ashkelon. Aujourd’hui elle est toujours là aux mains des musulmans.

Kaya et le chien royal

Les chroniques d’Uri Avnery,  17 août 2017
LE SPECTACLE est presque bizarre : un parti politique refuse d’admettre de nouveaux membres. Et pas juste un petit nombre d’individus, mais des dizaines de milliers. Et ce n’est pas n’importe quel parti, mais le Likoud (‟Unification”), la principale force de la coalition gouvernementale d’Israël. Étrange ? Mais il y a de la méthode dans cette folie. Cela pourrait bien venir bientôt devant la haute cour d’Israël. Les leaders actuels du parti, Benjamin Nétanyahou et ses amis, ont peur que les gens qui cherchent actuellement à se faire enregistrer comme membres du Likoud ne soient en réalité des colons des territoires occupés qui veulent prendre le contrôle du Likoud, tout en restant concrètement fidèles à leurs propres partis, qui sont encore plus extrémistes.

L’oeuf de Colomb

Les chroniques d’Uri Avnery, 19 août 2017
Je ne sais pas quand la roue fut inventée ni qui l’inventa. Cependant, je ne doute pas qu’elle a été inventée encore et encore par beaucoup d’inventeurs heureux partageant la gloire. Cela est aussi vrai pour la Confédération israélo-palestinienne. Périodiquement elle apparaît au public comme une idée tout à fait nouvelle, avec un nouveau groupe d’inventeurs qui la présentent avec fierté. Ceci montre simplement que vous ne pouvez pas supprimer une bonne idée. Elle ne cesse de réapparaître. Au cours des dernières semaines elle est apparue dans plusieurs articles, présentée par de nouveaux auteurs.

Regard nostalgique

Les chroniques d’Uri Avnery, 5 août 2017
LE MONDE ENTIER regardait, le souffle coupé, alors que les jours passaient. Puis les heures. Puis les minutes. Le monde regardait tandis que le condamné, Muhammad Abu-Ali de Qalquiliya, attendait son exécution. Abu-Ali était un terroriste avéré. Il avait acheté un couteau et tué quatre membres d’une famille dans une colonie juive voisine. Il avait agi seul dans un accès de colère, après que son très cher cousin, Ahmed, eut été abattu par la police des frontières israélienne au cours d’une manifestation. Ceci est un cas imaginaire. Mais il ressemble beaucoup à ce qui arriverait si un cas réel actuellement en instance prenait ce tour.

La marche de la folie

Les chroniques d’Uri Avnery, 29 juillet 2017
MON REGRETTÉ ami Nathan Yellin-Mor, le leader politique du LEHI clandestin, m’avait dit un jour d’un politicien qu’il n’était ni un grand penseur ni un petit imbécile. Je me souviens de cette phrase, à chaque fois que je pense à Gilad Erdan, notre ministre de l’Intérieur. Sa contribution aux événements de ces dernières semaines, au cours desquelles tout le Moyen Orient a failli exploser, confirme ce jugement. D’autre part, Benjamin Nétanyahou me rappelle le proverbe ; ‟Une personne habile est celle qui sait comment se sortir d’un piège dans lequel une personne judicieuse ne serait sûrement pas tombée.”

Le problème Soros

Les chroniques d’Uri Avnery, 22 juillet 2017
GEORGE SOROS, le multimilliardaire américain, crée des tas de problèmes à Benjamin Nétanyahou. En ce moment particulièrement, Nétanyahou n’a pas besoin de problèmes supplémentaires. Une énorme affaire de corruption, concernant des sous-marins de construction allemande, s’oriente lentement et inexorablement vers lui.. Soros est un Juif hongrois, un survivant de l’Holocauste. Le parti hongrois au pouvoir a affiché son visage dans tout Budapest avec un texte qui cache mal ses intentions antisémites. La faute de Soros est de soutenir des associations de droits humains dans son son ancienne patrie. Il fait la même chose en Israël bien qu’à une bien moindre échelle. C’est pourquoi Nétanyahou ne l’aime pas non plus.

Le mot de quatre lettres

Les chroniques d’Uri Avnery, 26 juin 2017
Quand un Britannique ou un Américain parle d’un ‟mot de quatre lettres”, il évoque un mot grossier à caractère sexuel, un mot à ne pas prononcer dans une société policée. En Israël nous avons aussi un tel mot, un mot de quatre lettres. Un mot à ne pas prononcer. Ce mot c’est ‟Shalom”, paix. (En hébreu, ‟sh” est une seule lettre, et le ‟a” ne s’écrit pas.) Cela fait maintenant des années que ce mot a disparu dans les relations (sauf en guise de salutation). Tout politique sait que c’est un mot redoutable. Tout citoyen sait qu’il ne faut pas l’employer. Il y a beaucoup d’expressions pour le remplacer. ‟Accord politique”. ‟Séparation”. ‟Nous sommes ici et ils sont là”. ‟Accord régional”.