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Construire l’ennemi de la Nation: analyse du discours et de la pensée du polémiste Éric Zemmour

Depuis une décennie, Éric Zemmour a consolidé sa notoriété en tant que polémiste en France. Dans ses discours et écrits, il propose une vision particulière de la nation française, qu’il oppose à des figures qu’il considère menaçantes pour l’identité et la culture du pays. À travers la désignation de l’immigré, et plus spécifiquement de l’arabo-musulman, comme «ennemi de la nation», il polarise les discours publics autour de la question de l’immigration. Cet article analyse la manière dont Zemmour construit cette image de l’ennemi public et en explore les effets dans le paysage socio-politique français.

Un contexte propice à la stigmatisation de l’immigration

La mise en avant de la figure de l’ennemi de la nation par Zemmour s’inscrit dans un contexte particulier de crise socio-économique. Depuis la fin des Trente Glorieuses, la France a vu son modèle économique et social se transformer, entraînant des difficultés importantes telles que le chômage de masse, la précarisation, et des inégalités croissantes. Cette «descente économique» a alimenté un discours de déclassement, dans lequel l’immigration devient un facteur central.

Depuis les années 1980, l’immigration est devenue un sujet de débat majeur. Des incidents comme les émeutes des Minguettes en 1981 ont déclenché une vague de méfiance envers les immigrés maghrébins, entretenue par une politisation croissante de la question dans les médias. Éric Zemmour s’inscrit dans ce contexte en reprenant et en renforçant des stéréotypes. Dès lors, le polémiste crée une dichotomie entre le «nous» et le «eux», opposant les Français «de souche» aux immigrés. Pour Zemmour, les musulmans et les Arabes constituent une menace culturelle et identitaire pour la France, les qualifiant de «peuple dans le peuple», incapables de s’assimiler.

Les mécanismes de construction de l’ennemi

L’approche de Zemmour pour construire son discours repose sur une utilisation de plusieurs procédés rhétoriques et médiatiques, qu’il utilise avec une habileté incontestable. Il publie régulièrement des livres, fait des apparitions télévisées, et utilise les réseaux sociaux pour diffuser sa vision. Dans Destin français, il décrit les musulmans comme une communauté qui vit en parallèle de la société française, causant une dilution des valeurs et traditions du pays. Pour appuyer ses propos, il utilise des références historiques, inscrivant ainsi la figure de l’arabo-musulman dans une tradition d’opposition culturelle et religieuse, illustrée par des événements comme les Croisades.

 

Pour Zemmour, les problèmes contemporains de la France sont exacerbés par l’immigration musulmane, qu’il décrit comme une force déstabilisante. L’un des thèmes qu’il aborde fréquemment est la «dégradation de la langue» dans les banlieues. Il affirme que la langue française y est «appauvrie» par un usage qu’il qualifie de « créolisé » et de «pidgin». À travers cette rhétorique, il ne dénonce pas seulement une altération linguistique, mais aussi ce qu’il perçoit comme une dévalorisation culturelle et identitaire. En décrivant cette population comme un groupe étranger, il procède à une stigmatisation qui alimente la peur et crée un sentiment d’urgence face à ce qu’il appelle la «désintégration de la nation».

Le rôle des médias dans la diffusion de sa vision

Les médias de masse, qu’il utilise pleinement, jouent un rôle central dans la diffusion du message de Zemmour. Il sait se servir de la puissance des médias modernes pour ancrer son discours dans la société. Les attentats terroristes de 2015 et 2016 ont renforcé l’idée d’un ennemi intérieur. La peur engendrée par ces événements lui permet de réactualiser le récit d’un «Grand Remplacement», où l’identité chrétienne de la France est menacée par l’expansion de l’islam. Par l’usage habile de la télévision et des réseaux sociaux, Zemmour introduit ainsi l’ennemi arabo-musulman dans les foyers français, créant un sentiment d’inquiétude.

 

Niklas Luhmann, dans La réalité des médias de masse, explique que les médias ne se contentent pas de transmettre des faits; ils produisent une réalité, créant une «mémoire sociale». En apparence, les déclarations de Zemmour semblent n’être qu’un point de vue parmi d’autres, mais grâce à leur constante reprise par les médias, elles s’ancrent progressivement dans l’imaginaire collectif. Ainsi, à travers ses interventions, Zemmour parvient à intégrer la figure de l’ennemi dans la mémoire collective française, contribuant à un discours qui divise la société.

Les répercussions sociales de la construction de l’ennemi

Le discours de Zemmour sur l’ennemi de la nation trouve un écho auprès d’une partie de la population, mais provoque également des réactions opposées. Dans l’étude des effets sociaux de ce discours, plusieurs indicateurs révèlent sa capacité à polariser la société. En 2021, le ministère de l’Intérieur a relevé une augmentation de 32% des actes antimusulmans en France, un chiffre qui pourrait témoigner de la diffusion d’un sentiment de méfiance envers les musulmans, alimenté par la rhétorique du polémiste. La cristallisation de la figure de l’arabo-musulman comme «ennemi public» trouve ainsi une traduction concrète dans les interactions sociales, où la stigmatisation devient une pratique.

 

Parallèlement, la diffusion du discours de Zemmour provoque une réaction d’indignation. De nombreux militants et associations manifestent régulièrement pour dénoncer ses propos, le qualifiant de «diviseur» et de «promoteur de haine». Lors de son meeting de Villepinte en décembre 2021, des milliers de personnes ont marché dans Paris, brandissant des pancartes telles que «Tu ne prendras ni nos prénoms, ni notre Nation». Ce rejet populaire montre que son discours n’est pas accepté de façon unanime et qu’il fait l’objet d’une forte opposition idéologique.

Un impact progressif dans le champ politique

L’influence du discours de Zemmour ne se limite pas au débat social: elle s’infiltre progressivement dans le champ politique. En lançant son parti «Reconquête», Zemmour officialise la lutte pour la redéfinition de la nation française en opposition à l’immigration musulmane. En reprenant le concept de « reconquête », il évoque une France qui aurait été envahie, et mobilise ses partisans autour de la promesse de «reconquérir» le territoire et l’identité française.

Le projet de loi contre le séparatisme, introduit en 2021 par le gouvernement, témoigne de l’influence de cette vision d’une France menacée de l’intérieur. Bien que cette loi ne reprenne pas explicitement le vocabulaire de Zemmour, elle s’inscrit dans la continuité de son discours en visant les manifestations d’appartenance communautaire, notamment le port du voile. D’autres concepts, comme celui d’«islamo-gauchisme», font également écho au discours de Zemmour sur l’islam en France. Le ministre Frédérique Vidal a ainsi mentionné que l’«islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble», créant un débat autour de la question de l’influence de l’islam dans les institutions françaises. En intégrant ainsi la vision d’un ennemi intérieur dans l’agenda politique, on voit l’empreinte de Zemmour se dessiner, même indirectement.

Conclusion: un narcotrafiquant d'État en réhabilitation diplomatique

La dépendance du régime syrien à l’égard du captagon illustre les dimensions à la fois économiques, politiques et diplomatiques de ce commerce illicite. À travers ce trafic, Assad n’assure pas seulement la survie de son régime; il impose un dilemme stratégique à ses voisins et met en œuvre une forme de guerre économique contre les États de la région, utilisant la drogue comme outil de pression et de négociation. Alors même que l’industrie du captagon devient un levier de contrôle régional, elle transforme également la Syrie en une véritable plaque tournante du narcotrafic, avec des ramifications potentielles jusqu’en Europe.

En utilisant le captagon comme une arme d’influence géopolitique, le régime Assad pourrait réussir là où des années de diplomatie et de sanctions ont échoué: regagner une légitimité internationale. Cependant, ce retour dans le jeu diplomatique se fait au prix de la sécurité régionale et de la santé publique, en Jordanie, dans les pays du Golfe et potentiellement en Europe. La Syrie incarne aujourd’hui l’un des paradoxes les plus troublants de la géopolitique contemporaine: un État en faillite, dépendant de ressources illicites, qui parvient à se réinsérer progressivement dans la sphère diplomatique mondiale en tirant parti des défaillances systémiques de ses propres voisins.

Le cas du captagon souligne l’urgence d’une prise de conscience internationale face à une menace de plus en plus difficile à contenir. La production de captagon et sa distribution à grande échelle par des réseaux sous contrôle syrien posent une question cruciale aux États de la région et d’ailleurs : comment contenir les ambitions d’un narco-État en quête de légitimation?

de Mohamed-Nour Hayed

Bibliographie

Ouvrages

ANDERSON Benedict, L’imaginaire national: réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, 1983.

BLANC William, NAUDIN Christophe, Le retour de l’histoire pratique: entre mythe identitaire et privatisation», (Les histoires de garde, 2014).

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ELIAS Norbert, SCOTSON John L., The Established and the Outsiders, 1994.

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NOIRIEL Gérard, Le venin dans la plume, 2019.

PEUGNY Camille, Le déclassement, 2009.

ZEMMOUR Éric, Le suicide français, 2014.

ZEMMOUR, Éric, Le destin français, 2018. 

Articles

BONNAFOUS Simone, « L’Immigration prise aux mots, Les immigrés dans la presse au tournant des années 1980 », Hommes & Migrations, Persée, 1991.

DELILLE Benjamin, Manif anti-Zemmour à Paris «Au point où on en est, il faut lutter, sans s’arrêter», Libération, 5 décembre 2021, 

JAUME Lucien, SCHMITT Carl, « La politique de l’inimitié », Historia constitucional, n. 5/2004.

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