Au pouvoir depuis dix ans, le régime égyptien du Maréchal Sissi qui n’hésite pas à soigner son image de partenaire utile, est soutenu par Washington, Riyad, Abu Dhabi et Tel Aviv. L’Union européenne est sur la même veine arguant de la sacro-sainte nécessaire stabilité de l’Égypte, seul pays d’Afrique du Nord à empêcher tout départ de migrants par voie de mer. Bon nombre d’États membres ne veulent pas perdre la coopération égyptienne en heurtant les autorités du Caire sur les questions de démocratie, droits humains et état de droit.
Invitée par Radio France Internationale, Agnès Levallois a analysé le possible déclin de l’Egypte, malgré des tentatives à la fois internes mais aussi internationales de maintenir la pertinence de cet acteur devenu incontournable.
Aujourd’hui, on a une Egypte qui rêve de retrouver une place centrale, mais elle est complètement dépassée par l’Arabie Saoudite et - à moindre mesure - les Emirats arabes unis, qui entendent donner le la à toute la région.
Depuis que Sissi est aux affaires de l’Etat, il a l’ambition de redonner à l’Egypte une grande ambition, mais il n’en a plus les moyens. L’Égypte, de plus en plus dépendante des pays du Golfe, ne dispose plus de la marge de manœuvre qui pourrait être la sienne.
Il y a un dossier où l’Egypte essaye encore de maintenir cette place qu’elle occupe depuis une dizaine d’années : la question palestinienne. Il y a derrière cela un intérêt évident et des risques pour la sécurité du pays, notamment concernant la bande Gaza.
Plutôt que de se poser la question de l'intérêt national ou régional, les pays européens restent sur cette même donne, pour maintenir l’Egypte là où elle est sans s’interroger de la finalité de cette stratégie.
Les puissances occidentales considèrent que l’Egypte occupe, et doit occuper, une place importante stratégiquement, et qu’il faut absolument continuer à aider ce pays. Personne ne veut prendre le risque de l’effondrement de l’Egypte, qui est le plus grand pays arabe.
La grande inquiétude des européens, c’est qu’il y ai des flux de migrations qui passent par l’Egypte pour venir en Europe. C’est quelque chose que Sissi exploite. Effectivement, il faut à ce titre garder des relations privilégiées avec le système égyptien. Mais pour l’instant, on ne fait que s’abriter derrière cela sans prendre le temps de s’arrêter et de se dire : quel est notre intérêt ? Quels sont les tenants et aboutissants de notre stratégie ?
Agnès Levallois, vice-présidente de l’iReMMO