Début avril 2022
Dossier préparé par Haoues Seniguer
En France, depuis plusieurs années, sur fond d’actes racistes en tous genres, que ce soit par la parole ou la plume, aussi bien sur les réseaux sociaux que par des agressions physiques, voire des attentats contre des biens et/ou des personnes de couleur, des juifs, des musulmans, des Roms, des homosexuels réels ou présumés, etc., se donne à voir ce qui est parfois improprement qualifié de « concurrence victimaire ». D’autres synonymes existent pour rendre compte de cette situation paradoxale où des victimes de discriminations semblent se regarder avec méfiance et défiance réciproques ; on parle alors à ce titre de concurrence des mémoires ou de « concurrence mémorielle », etc. Loin d’être des catégories analytiques, des concepts forcément pertinents ou pleinement opératoires, ceux-ci semblent beaucoup plus souvent utilisés pour dénigrer ou disqualifier certaines luttes au détriment d’autres, jugées plus urgentes ou plus fondées : dans cette configuration, il devient difficile, sinon impossible, dans le débat public, d’envisager des analogies entre des formes passées et présentes de discriminations envers des groupes humains divers, c’est-à-dire mettre au jour en les interrogeant, tant des ressemblances que des dissemblances. Il apparaît effectivement compliqué, dans des secteurs de l’université et des sociétés politique et civile dans « un contexte d’extrême droitisation de la vie politique », de parler d’islamophobie sans être taxé de faire le jeu de l’islamisme, lui-même plus ou moins associé au radicalisme, au djihadisme, etc ; de penser l’antisémitisme sans le cantonner à un phénomène qui serait supposément devenu spécifique aux quartiers populaires, ou alors l’appréhender comme un instrument de lutte contre les personnes et associations qui défendent les droits des Palestiniens, etc. Dans un monde globalisé où les conflits et déchirements du Proche et Moyen-Orient trouvent certes des échos multiples dans l’Hexagone, nous nous interrogeons également, par-delà donc le cas français, sur les répertoires racistes et/ou anti-racistes, discriminatoires aussi, mobilisés quelquefois par des leaders politiques de l’espace continental européen et surtout méditerranéen, tels que Viktor Orban, Recep Teyep Erdogan, Benyamin Netanyahu, etc.
Il s’agit ainsi de rompre avec les dichotomies, profondément manichéennes, ou des préjugés tenaces du type: l’invocation, la critique ou la dénonciation de l’islamisme seraient un alibi des expressions islamophobes; l’islamophobie serait un artefact des islamistes et autres islamo-conservateurs hostiles à la liberté d’expression et la liberté de caricaturer le sacré ; l’antisémitisme serait aujourd’hui porté par les personnes issues de l’immigration musulmane; la critique des politiques israéliennes et de leurs soutiens en France notamment, serait non seulement le fait de propalestiniens, complices des islamistes du Hamas, etc., mais qui plus est animés par des penchants antisémites, et tout à l’avenant.
Aussi, dans ce numéro, qui ne se veut pas cantonné au contexte français, il conviendrait de traiter plusieurs questions, non pas toujours séparément ou de manière exclusive, mais autant qu’on le pourra conjointement, avec une dimension dialectique trop souvent absente des analyses proposées : antisémitisme versus islamophobie ou antisionisme ; islamophobie versus islamisme ; antisémitisme et/ou islamophobie versus discriminations racistes et/ou homophobes, etc. Les contributrices et contributeurs ne sont pas contraints d’embrasser l’ensemble des points que nous désirons aborder mais de travailler un ou plus aspects de façon suffisamment critique et dialectique pour ne pas prêter le flanc à toute espèce de manichéisme que nous souhaitons précisément dépasser.
- Quelles sont les politiques publiques mises en œuvre en France pour traiter et lutter contre les discriminations anti-religieuses ou raciales? Quels en sont les éventuels angles morts?
- Dans quelle mesure l’invocation de la laïcité et/ou de l’universalisme masquent ou retardent la prise en compte de discriminations effectives?
- Quels sont les personnes, groupes ou associations qui défendent aujourd’hui la dignité et les droits humains?
- Quelles sont les représentations des habitants des quartiers populaires sur l’État et les formes de discriminations, quelles qu’elles soient?
- Qui sont les acteurs de la lutte contre l’islamophobie en France, leur rapport aux autres associations anti-racistes, à l’État et à la société?
- Qui sont les acteurs de la lutte contre l’antisémitisme en France? Comment perçoivent-ils les autres formes de mobilisation anti-racistes, etc.?
- Quelles sont les formes d’antisémitisme, racistes, anti-homosexuel-l-e-s, etc., à l’œuvre en contexte européen, méditerranéen ou euro-méditerranéen?
- Comment des leaders politiques mobilisent-ils les répertoires anti-racistes au niveau géopolitique?
Instructions aux auteur·e·s pour la présentation des propositions et des articles
Les propositions d’articles devront être envoyées avant le 15 novembre 2021 à Haoues Seniguer ; haoues.seniguer[at]sciencespo-lyon.fr ces propositions ne devront pas dépasser 4000 signes. La proposition doit être accompagnée d’un titre (même provisoire) et d’une courte biographie de l’auteur.
Après un retour vers les auteur.e.s, les articles devront être remis au plus tard le 25 février 2022. Les articles ne doivent pas dépasser 25 à 30000 signes (espaces compris). Sous le titre de l’article, donner le nom de l’auteur.e et son ancrage institutionnel, ainsi qu’un résumé de 5 à 10 lignes (avec une traduction en anglais). Le texte doit être saisi en Times New Roman, taille 11 avec un interligne. L’intégralité des consignes et les normes éditoriales de la revue sont disponibles ici.