Le prix des vies humaines et la justification de l’usage de la force: un débat raisonnable?

Le prix des vies humaines est au cœur des débats sur la justification de l’usage de la force. Un État paie avec des vies humaines la poursuite de ses intérêts, et il paie pour des vies en faisant des concessions sur ses intérêts. Cette double équation est politiquement centrale dans différents domaines si ce n’est tous les domaines de la décision publique (économie, environnement, santé), elle est particulièrement cruciale en matière de guerre, et le conflit actuel entre Israël et le Hamas en est l’illustration la plus flagrante. On le voit notamment à travers la place qu’occupent les questions des otages, des boucliers humains et de la proportionnalité dans les très nombreux débats sur la justice de cette guerre et dans cette guerre. Ce conflit n’a pas d’équivalent contemporain au regard de l’attention et des passions que, dans le monde entier, il suscite: dans les médias, dans la rue, dans les partis, à l’université, il est omniprésent. Les débats que cet affrontement entraîne ont des effets parfois destructeurs bien au-delà du Proche Orient, ses ondes de choc seront durables. En reprenant la question du prix des vies humaines,  je souhaite m’interroger sur les modalités d’un débat sur la justification de l’usage de la force. Un tel débat devrait être fondé en raison et informé. En même temps, c’est indéniable, nous avons, chacun, des «affinités» qui orientent notre jugement. Comment l’existence d’une pluralité d’affinités peut-elle être compatible avec une discussion fructueuse? Cette question peut sembler naïve, il n’en est pas moins urgent de la poser.